Commerçants : « Soyez fiers de votre parcours… »

La publication du témoignage particulièrement touchant d’une jeune commerçante marseillaise en difficulté a suscité plus d’un millier de réactions dans le groupe d’entraide et de réflexion des commerçants indépendants. Des commentaires bienveillants qui montrent que les commerçants peuvent être fiers d’exercer leur métier, de par la satisfaction du service rendu, du partage d’échanges humains et malgré les épreuves auxquelles ils sont confrontés.

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« Comme pour nombres d’entre vous mon travail est une réelle vocation, j’ai tout quitté pour mon petit magasin atypique de Marseille. J’ai rencontré des difficultés à chaque étape, je n’ai pas compté mes heures ni mes sacrifices pour faire tenir toute seule ce petit projet.  J’ai eu plaisir à écouter et soutenir mes clients, mes petites mamies qui me partagent leurs vies, leurs souvenirs, leurs tracas et leurs petits succès. Aujourd’hui à contre cœur je dois penser à la suite et je dois penser à me séparer de mon rêve dans les prochains mois sans trop savoir vers quoi l’avenir nous permettra encore de nous orienter sans risques. C’est un réel déchirement de voir que le travail ne paye plus ».

Paru récemment et à lire en intégralité dans le Groupe d’entraide et de réflexion des commerçants indépendants, le récit de Laura Haitayan, une jeune commerçante de 24 ans qui a repris il y a 3 ans une épicerie à Marseille, a totalisé en quelques jours plus de 50 000 vues. Ce témoignage est entré en résonnance avec la communauté des commerçants, tant il correspond à ce que vivent nombre d’indépendants depuis déjà plusieurs années. Sylvie Trenchant, ex-gérante de la boutique Olèa’Aroma à Cambrai, confirme : « Oui, un témoignage très touchant surtout que je vis moi-même tout ce que vous avez décrit. Je suis malheureusement en liquidation judiciaire avec ma boutique. Une période très difficile. Il faut déjà acter la perte de son “bébé”, se lever le matin sans but car on ne va plus dans sa boutique, le manque des conversations avec ses clients, pas un rond pour vivre, des difficultés avec les administrations pour essayer de toucher l’ATI. Déjà 3 mois sans revenus et personne pour vous soutenir. Ah j’oubliais 47 ans vous êtes trop vieille pour trouver un travail, je vous soutiens et soutiens tous ceux qui vont perdre leur commerce ».

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La difficulté de se verser un salaire

La société dans sa globalité, et même les personnes proches, ne se doutent pas de la difficulté, pour ne pas dire de l’épreuve que traverse les entrepreneurs lorsqu’ils naviguent à contre-courant, comme actuellement, après la succession de crises que subissent les commerçants. Edenethan Sab, gérante d’une boutique de prêt-à-porter à Oullins, témoigne : « Comme je me reconnais dans votre texte, 12 ans de sacrifice pour mon rêve de gamine. Des mois où l’on pense plus à payer des charges, qu’à se verser un salaire (quasi impossible). Des semaines de 6 voire 7 jours …le choix le plus logique arrêter avec perte et fracas …mais quel désespoir quelle peine… ».

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Des épreuves que traversent beaucoup d’indépendants dans le secteur de la mode, Sabrina Grenet gérante de la boutique Abribulle à Orsay, apporte son soutien à Laura et confirme : « commerçante dans le prêt-à-porter depuis 17 ans, ma rémunération au smic (non horaire car on ne compte pas nos heures) n’a jamais changé… mais les marges s’amenuisent avec des charges qui ne font qu’augmenter. Actuellement, je travaille à perte, c’est du délire lorsqu’on réfléchit que nous sommes au travail !!! Et rarement en arrêt maladie ! Pour obtenir la moindre aide, les institutions tiennent compte de notre CA…du délire… et en plus il faut fournir 50Kg de justifs incompréhensibles !!! Au final, nous sacrifions nos vies privées par amour de notre métier. Nous sommes nombreux actuellement à travailler uniquement pour les autres (j’entends uniquement pour régler nos factures) pour tenter de sauver nos “bébés”. Ça devient insupportable et, comme vous, je tremble pour 2023 ! »

Beaucoup de travail et de sacrifices pour de – petits – salaires difficiles à se verser lorsque “les circonstances” empêchent les commerçants de travailler correctement. « J’ai créé mon pressing/laverie sans l’aide de personne, 2 ans de travaux dans la rue, 2 ans de covid, je pensais qu’on y était arrivé…et maintenant la crise de l’énergie ! Travailler 10h par jour la semaine et 4/5 h les samedis dimanches (les jours de fermeture on peut avancer notre travail), j’arrive enfin au bout de mon prêt et pensais me faire au moins un smic et bien ce ne sera toujours pas possible… je ne sais pas comment on va tenir » s’inquiète ainsi Isabel Da Cunha, gérante du pressing des Hauts-de-Bienne, dans le Jura. Des absences et des petits salaires qui vont fortement impacter les droits et les montants des retraites, alors que la vente des fonds de commerces n’assure plus comme avant “un pécule” aux commerçants.

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« Votre témoignage est poignant de vérité, nous sommes aussi sur cette perspective nous n’avons pas de repreneur pour notre restaurant, nous serons dans l’obligation de fermer car nous sommes à la retraite », déplore ainsi Martine Dicaro, restauratrice à La Côte-Saint-André (Isère).

Que va devenir ce pays sans ses petits commerces et sa chaleur humaine ? Quel sera le monde de demain si même l’achat d’une baguette de pain devient robotisé, interpelle Laura Haitayan.

La nécessité du partage et de l’union

Le témoignage de Laura incite des commerçants qui traversent des périodes plus positives à l’encourager également, tel que celui d’Amélie Granier : « Magnifique texte plein d’émotions et de passions ! Je me reconnais un peu, moi je suis autoentrepreneur en vente de bijoux sur les marchés et sur internet. J’essaie d’être un peu partout et pour le moment cela fonctionne très bien. Beaucoup de tracas et de stress car c’est difficile d’être toujours au top, mais je suis une sacrée battante car c’est ça être indépendant vouloir arriver proche de ses rêves. Toujours chercher le bon filon, mûrir son projet, changer nos plans parfois. Et les heures, je ne les compte pas… La seule chose que je regrette c’est le temps passé avec mes proches car j’en manque cruellement. Mais j’aime éperdument mon travail ».

Un amour du travail qui se heurte parfois aux réalités : « La grande distribution et ses pseudos prix bas sont une véritable imposture. J’ai décrit ces mécanismes il y a déjà pas mal d’années dans “Les coulisses de la grande distribution» dénonce ainsi Christian Jacquiau, économiste et écrivain-militant. Tout en soulignant que : « les solutions existent. Les commerçants ont de nombreuses cartes en main pour gagner la partie. Il leur manque une certaine cohésion et une réelle volonté d’union ». Et de fait, “les petits commerçants” ont des revendications légitimes à faire valoir, mais avancent la plupart du temps en ordre dispersé, faute de faire corps avec leur syndicat professionnel.

Des fédérations professionnelles regroupées au sein de la Confédération des Commerçants de France, qui offrent des services et permettent des échanges indispensables avec des confrères et qui couvrent tous les secteurs du commerce : epiciersdefrance.org ; Fédération Nationale de l’Habillement ; Fédération des Détaillants en Chaussures de France, … Des échanges et des actions au niveau local à mettre en œuvre également avec les associations de commerçants. Et des associations qui aident aussi les entrepreneurs en difficulté. « Vous trouverez de l’écoute et des conseils gratuits chez 60 000 rebonds. Voyez dans votre région et sur le net. Vous êtes jeune et passionnée sinon vous n’auriez pas entrepris. Vous rebondirez de toute façon si vous fermez. Faites vous conseiller et aider avant sinon vous le regretterez », conseille ainsi Fréderic Mathieu, concepteur arts graphiques et métalliques, installé à Lyon. Et, Virginie Gillé, ex restauratrice en Ariège de conclure sur une note positive : « Ce groupe d’entraide prouve qu’on peut encore se serrer les coudes donc il faut garder espoir 😏 ».

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Des commerçants qui doivent donc garder espoir et qui peuvent d’ores et déjà être fiers de leur parcours, même s’il n’est pas toujours couronné de succès. Enfin, ne pas oublier cette citation qui correspond bien au parcours des entrepreneurs : « Le succès est le résultat d’une succession d’échecs que l’on a surmonté sans jamais abandonner ».

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