Seuls 911 indépendants ont pu bénéficier du chômage !

Un rapport parlementaire pointe du doigt l’inefficacité de l’allocation des travailleurs indépendants (ATI), avec seulement 911 bénéficiaires en l’espace de 16 mois !

allocation des travaillleurs indépendants- ATI

Souvenez-vous lors de la campagne présidentielle de 2017, le futur chef de l’Etat, Emmanuel Macron, s’était engagé à ce que les travailleurs indépendants puissent eux-aussi bénéficier d’une allocation chômage, s’ils étaient amenés à cesser leur activité. Une allocation qui a finalement vu le jour le 1er novembre 2019, avec à l’époque de nombreuses voix qui s’étaient élevées pour dénoncer des conditions d’accès trop restrictives. Des craintes bien fondées, puisque 18 mois plus tard, le constat est sans appel. En date du 26 février 2021, seules 911 personnes ont bénéficié de l’allocation des travailleurs indépendants (ATI) ! Très loin donc des 30 000 bénéficiaires annuels que le dispositif envisageait de cibler….

L’allocation des travailleurs indépendants, c’est quoi ?

Comme elle est construite actuellement, l’ATI est une allocation d’un montant de 800 euros par mois, versée pour une durée maximum de six mois, à certaines catégories de travailleurs indépendants qui remplissent les conditions cumulatives suivantes :

  • Être en situation de liquidation judiciaire ou en redressement judiciaire.
  • Justifier d’une activité non salariée pendant deux ans consécutifs au titre d’une seule et même entreprise.
  • Justifier de revenus d’activité supérieurs ou égaux à 10 000 euros par an sur les deux dernières années d’activité.
  • Justifier après la cessation d’activité de revenus inférieurs au RSA pour un foyer composé d’une personne seule, soit 565,34 €.

A cela s’ajoute le fait que de nombreuses catégories de travailleurs indépendants sont actuellement exclues du dispositif, notamment les dirigeants égalitaires ou majoritaires de sociétés (SARL, EURL, SNC…) ou même les micro-entrepreneurs, puisque ces derniers sont très rarement concernés par des liquidations judiciaires.

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Comment expliquer un tel fiasco ?

Dans ce contexte, un cycle d’auditions a été lancé début mars par le député LREM Dominique Da Silva, afin de comprendre l’échec de l’ATI et proposer des solutions pour refonder ce dispositif. Sans surprise, et comme le décrit le rapport parlementaire qui a découlé de ces auditions, ce sont les critères d’éligibilité qui sont aujourd’hui pointés du doigt. Et notamment la condition de justifier de revenus d’activité supérieurs ou égaux à 10 000 euros par an sur les deux dernières années d’activité, qui exclue de facto les indépendants en difficulté. « C’est une double peine pour ces entrepreneurs qui n’ont plus de rémunération ou qui la réduisent pour tenter de sauver leur activité et qui, pour cette juste raison, pourraient ne pas bénéficier de l’ATI », font ainsi remarquer les auteurs du rapport. « À l’inverse, c’est encourager un entrepreneur à maintenir son revenu, quoi qu’il en coûte, jusqu’à la cessation de paiement à ses risques et périls, et pouvoir ainsi prétendre à l’ATI ». Et ce alors même qu’un dirigeant qui maintiendrait sa rémunération, sans prendre aucune mesure de restructuration, alors que les résultats de l’entreprise sont déficitaires et que le chiffre d’affaires se dégrade, s’expose à une faute de gestion et au comblement du passif, qui pourrait être bien supérieur au montant de l’ATI ainsi octroyé. « Il serait plus pertinent et plus juste d’établir l’effectivité d’une activité économique sur la base d’un chiffre d’affaires annuel moyen sur les deux dernières années et qui justifie d’un travail réel et régulier dans la durée », recommandent les auteurs du rapport parlementaire.

Autre problème majeur mis en avant : l’exclusion des dirigeants majoritaires du dispositif. Un comble pour une allocation chômage dédiée aux indépendants ! « Quelle est la justification de ces exclusions, dès lors que la cessation d’activité est le fait d’une même décision judiciaire que pour les autres statuts ? », s’interrogent les auteurs du rapport parlementaire.

La condition de devoir justifier de ressources personnelles inférieures au RSA après la cessation d’activité apparaît aussi comme trop restrictive. D’autant que les ressources en question sont basées sur les dernières déclarations d’impôt sur le revenu, qui peuvent ainsi parfois comprendre des revenus fonciers sur lesquels des emprunts bancaires sont toujours en cours !

La nécessité de réformer le dispositif

Le rapport parlementaire, qui recense l’ensemble des incohérences et ratés du dispositif actuel (cliquez ici pour le consulter), formule par ailleurs plusieurs pistes d’amélioration afin que l’ATI puisse bénéficier à davantage d’indépendants. En voici les principales propositions :

  • Étendre le droit à l’ATI à tous les statuts juridiques de travailleurs indépendants non salariés et assimilés salariés.
  • Élargir la condition de cessation d’activité définitive et « involontaire » à la liquidation amiable, dès lors qu’elle vise à anticiper un état de cessation de paiement.
  • Remplacer la condition de revenus d’activité par la justification de déclarations de résultats, de chiffre d’affaires ou de TVA, selon le régime fiscal de l’entreprise.
  • Confondre l’ATI avec les ressources personnelles pour éviter l’effet de seuil au-dessus du RSA et le cas échéant, relever l’ATI au niveau du seuil de pauvreté (1063 euros par mois).
  • Encourager les experts-comptables et autres conseils aux entreprises à prévenir les dirigeants en grande difficulté de l’existence de l’ATI, afin d’éviter un état de cessation de paiement.

Lire aussi : Comment prévenir les difficultés de trésorerie ?

Des propositions qui vont dans le bon sens, à l’heure où justement nombre d’indépendants sont déjà exposés à de graves difficultés en raison du contexte actuel, et se retrouvent pour certains démunis de ressources financières. Reste à savoir si elles pourront se traduire également par une véritable réforme de l’allocation pour les travailleurs indépendants ! Affaire à suivre.

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