La vente à emporter peut sauver les restaurants !

Professeur et directeur du centre d’excellence Food, Wine and Hospitality, KEDGE, Olivier Gergaud livre son analyse concernant le risque de faillite des restaurants et propose une relance du secteur par la généralisation rapide de la vente à emporter. D’accord ou pas, rédigez votre commentaire en fin d’article.

Olivier Gergaud dans les cuisines du Domaine de Raba (Talence) en compagnie du pâtissier M. Tranquard et du chef cuisinier Younes Bouakkaoui. © Crédit photo : PHOTO LAURENT THEILLET / SUD OUEST

En France, on estime à date qu’un tiers des restaurants risque de faire faillite. Le secteur vit actuellement une crise économique sans précédent en dépit du soutien massif de l’État : report puis annulation de charges sociales, dispositif de chômage partiel. Ces aides permettent temporairement de couvrir les charges variables des entreprises fermées, mais elles n’ont pas pour vocation d’assumer les charges fixes. Selon Olivier Gergaud, la relance post confinement du secteur de la restauration peut s’opérer par la généralisation rapide de la vente à emporter. Le soutien public ne peut être que temporaire car les moyens de l’État (qui proviennent des taxes payées par le contribuable français) sont limités. Il est donc primordial aujourd’hui d’imaginer des soutiens plus pérennes, car la crise sanitaire pourrait encore durer. Qui d’autre que l’État et les compagnies d’assurance peut sauver les restaurants ? De fait, la solution se trouve entre les mains des consommateurs. Plusieurs solutions sont envisageables.

Les précommandes via des plates formes de soutien ?

Les consommateurs, clients fidèles, via l’initiative de sites tels que “Sauve ton resto” ou “J’aime mon bistrot” ont déjà apporté un soutien appréciable à leurs restaurants préférés en passant des précommandes. Mais ce système a ses limites, les consommateurs ne vont pas continuellement alimenter ces sites, d’autant que le risque de faillite croît au fil du temps et le risque de perdre les avances faites aux commerçants avec.

Livraison à domicile ou vente à emporter ?

Des plateformes dédiées comme Just EatDeliveroo ou Uber Eats sont communément utilisées dans notre pays pour les livraisons à domicile en plus des flottes de livreurs des grandes chaînes de restauration rapide. Il faut cependant savoir que les restaurants reversent un peu plus de 30% du montant de la commande à ces intermédiaires. Une telle « taxe », dissuasive pour bon nombre de restaurants, s’explique par la concentration de l’offre entre les quelques opérateurs principaux. Il apparait donc primordial que les consommateurs privilégient la vente à emporter pour augmenter les chances de survie des restaurants plutôt que la livraison à domicile. La généralisation de la vente à emporter apparait donc comme une solution à mettre en œuvre au plus vite. Seulement, certains freins peuvent ralentir voire disuader sa mise en place.

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Les consommateurs, trop nombreux encore, ignorent quels établissements pratiquent à date la vente à emporter. Pour pallier ce problème, il suffit que les restaurants mettent à jour leur profil Trip Advisor pour les informer du rétablissement ou de la création de ce service. Mieux encore, des solutions innovantes voient le jour comme restaurantdrive.fr, une initiative bon marché et néanmoins très qualitative de Loic Viandier, qui propose aux restaurants de créer leur site de vente à emporter en quelques clics, et d’être ainsi opérationnels en quelques heures seulement. Les consommateurs ignorent aussi, et c’est plus embêtant encore, les conditions sanitaires dans lesquelles les plats sont cuisinés. L’intervention rapide d’organismes de certification serait utile pour apporter de précieux conseils aux restaurateurs et s’assurer que tout est mis en œuvre pour protéger la santé des clients. Le coût, probablement modeste, de ces interventions pourrait être pris en charge par l’État. Un investissement nécessaire pour générer à nouveau un chiffre d’affaire grâce à la vente à emporter et réduire à terme les aides.

Les producteurs craignent aussi de perdre les bénéfices du chômage partiel, aujourd’hui essentiel au paiement du salaire des employés non occupés. Comme le suggérait récemment les économistes Jean-Benoît Eymeoud et Etienne Wasmer, un assouplissement, au moins temporaire, des conditions de versement de l’allocation retour à l’emploi serait nécessaire. Rappelons qu’il n’est pas autorisé de bénéficier du chômage partiel tout en travaillant ; ce qui paraît logique en temps normal mais qui freine à date la reprise d’activités de nombreux établissements. La mise en place de la vente à emporter induira également des frais importants d’achat de matériel divers pour certains. Ces charges supplémentaires, en période de forte incertitude sur la demande, n’encouragent pas les restaurateurs à se lancer dans l’aventure. Une aide de l’État, sous la forme d’une avance de frais par exemple, pourrait s’avérer utile.

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La restauration en extérieur ?

Une étape supplémentaire pourra être franchie dans quelques temps en autorisant les restaurants à investir, gracieusement, l’espace public (trottoirs, places de parking,..). Les restaurants ont besoin d’espace et les beaux jours sont presque là. Aider les restaurants à s’approprier l’espace public est un projet prometteur à l’étude aux États-Unis. Il pourrait, de ce côté-ci de l’Atlantique être facilité par l’appui des municipalités qui, à n’en pas douter, souhaitent éviter les faillites d’établissements qui assurent en partie leur attractivité.

Olivier Gergaud est professeur d’économie à KEDGE et chercheur affilié au LIEPP de Sciences Po. Il a obtenu un doctorat de l’Université de Reims en 2000 pour une thèse récompensée par l’Association française de science économique (AFSE). Olivier a reçu plusieurs prix honorifiques et il est également titulaire d’une habilitation à diriger des recherches obtenues à Sciences Po en 2009.