Zones commerciales, stop ou encore ?
Faut-il instaurer un moratoire sur la construction de zones commerciales périphériques ? Les premiers résultats de l’enquête que nous avons menée montrent une opposition catégorique à la construction de nouvelles zones commerciales périphériques.
C’est ce qu’on appelle pour le moment un véritable plébiscite. Au début du mois d’octobre, alors que l’association Centre-ville en Mouvement réclamait de nouveau l’instauration d’un moratoire d’une année sur l’extension de zones commerciales périphériques, nous avons alors décidé d’interroger les premiers concernés, commerçants, mais aussi élus et consommateurs, sur l’intérêt d’une telle mesure. Et les premiers résultats de cette consultation sont sans appel : sur les 1873 répondants à ce jour, 21% se prononcent pour l’instauration d’un moratoire d’une durée d’un an, et 71% pour une durée encore plus longue ! Seuls 4% des répondants n’adhèrent pas à cette mesure.
La consultation est toujours ouverte, pour y participer, cliquez ici
Parmi les répondants à ce jour, on retrouve sans surprise une majorité de commerçants, mais également des élus de la république ainsi que des consommateurs, avec la répartition suivante :
- Commerçant de centre-ville : 73%
- Commerçant de zone commerciale périphérique : 4%
- Autre commerçant : 6%
- Association de commerçant / Fédérations / CCI : 4%
- Élu de la république : 1%
- Consommateurs : 12%
En parallèle, nous demandons aux sondés leurs opinions concernant les principales propositions de l’association Centre-Ville en Mouvement pour revitaliser les cœurs de ville, mais également leur point de vue personnel. Sans surprise, la très grande majorité affiche un ras-le-bol vis à vis des politiques urbaines visant à limiter le stationnement en ville. « Avant de mettre en place une semi-pietonnisation ou piétonnisation complète, il faudrait penser en amont les modalités d’un stationnement idéal : proche de l’hypercentre, gratuit ou peu cher, ainsi qu’une bonne signalétique », réclame par exemple Sylvain Le Parc, gérant de la boutique American Stock, à Auray en Bretagne. Le 2ème Baromètre du Centre-Ville et des commerces révèle justement que l’accessibilité au centre-ville est fondamentale et que le stationnement est un frein pour 48 % des Français.
La nécessité de créer un poste de manager du commerce et de centre-ville s’impose parmi les actions fortes à mettre en place, tout comme celle de développer la coopération entre les acteurs publics et privés qui œuvrent à la revitalisation des villes. « Les associations de commerçants sont débordés, nous avons besoin d’un manager du commerce, explique Véronique Caporusso, du magasin Le P’tit + à Brignais, dans le département du Rhône. Les collectivités doivent aussi être partenaire de nos manifestations afin d’obtenir davantage de moyens », ajoute-t-elle.
Des moratoires locaux plutôt que nationaux ?
Alors que le ministre de la cohésion des territoires, Jacques Mézard, avait dernièrement laissé entendre que l’idée d’un moratoire sur les constructions de grandes surfaces faisait partie des “sujets en débat”, l’hypothèse ne séduit pas du côté de Bercy, qui a fermé la porte à une telle mesure. Au gram dam des associations et fédérations de commerçants, qui ne perdent pas pour autant tout espoir. « Le ministère de l’environnement est fermement opposé à la construction de nouvelles zones commerciales en périphérie, d’autant plus qu’elle se fait le plus souvent sur des terres agricoles. Ça ne veut pas dire que le moratoire sera instauré, mais au moins on étudie la possibilité et c’est déjà un pas important », se félicite Francis Palombi, Président de la Confédération des Commerçants de France.
Lire notre enquête : Dans l’immobilier commerciale, une bulle prête à exploser ?
Certains n’ont d’ailleurs pas attendu l’autorisation du gouvernement pour prendre l’initiative, à l’image notamment des municipalités d’Avignon ou encore de Bourges, qui ont dernièrement décidé d’instaurer un moratoire sur la construction de nouvelles zones commerciales. Une mesure qui séduit également dans l’Ouest de la France, le président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine craignant que « la multiplication des mètres carrés ne pénalise le commerce de centre-ville, qui crée deux fois plus d’emplois que le commerce de grandes surfaces » (source Rue89 Bordeaux). Les associations de commerçants aussi ont leur mot à dire. Dans l’Hérault, département particulièrement touché par la désertification commerciale de ses centres-villes, les commerçants des agglomérations d’Agde, Béziers et Pézenas ont décidé de s’unir pour demander au président de leur Scot la mise en place d’un tel moratoire.
Agir directement sur le Plan Local d’Urbanisme
Si l’idée d’instaurer un moratoire sur la construction de nouvelles zones commerciales périphériques est séduisante sur le papier, elle n’en reste pas moins très difficile à faire adopter sur le plan juridique. D’où l’intérêt de s’appuyer sur les outils déjà existants, en agissant par exemple sur le Plan Local d’Urbanisme, comme l’a fait notamment la ville d’Angers, qui a décidé de stopper tout projet jusqu’en 2020. Ce moratoire « a permis de stabiliser les centres commerciaux en périphérie », affirme Karine Engel, adjointe au maire d’Angers chargée du commerce. Résultat, le taux de vacance en centre-ville se maintient à un niveau bas, à 4,6% selon l’élue, contre 8,6% en moyenne dans des communes de taille similaire. Dans un livre blanc datant de février 2017, plusieurs fédérations commerciales, dont l’Alliance pour le commerce et Procos, se positionnent d’ailleurs pour renforcer le rôle des plans locaux d’urbanisme afin de réguler l’équilibre des territoires. Elles proposent notamment de « subordonner la création d’une surface commerciale/de vente supérieure à 1 000 m² à l’existence d’un PLU intercommunal ».
S’inspirer de nos voisins européens
Parmi les autres pistes abordées, les fédérations du commerce recommandent également de s’inspirer des politiques d’aménagement commerciales mises en place chez nos voisins européens, telle que la Grande Bretagne qui impose des “tests séquentiels” avant d’approuver un nouveau projet. En clair, pour un équipement situé hors d’une zone urbanisée, il appartient aux investisseurs et aux municipalités de faire la preuve qu’aucun emplacement ne leur convient en ville, sous réserve d’une étude d’impact sur les commerces existants. Une disposition similaire à ce que prévoit la loi allemande : « Pour les produits de consommation courante, les projets d’implantation ne sont recevables que s’ils se situent dans une zone commerciale centrale et qu’ils ne nuisent ni au bon fonctionnement des zones commerciales centrales situées sur le territoire d’une commune ou de communes voisines, ni au commerce de proximité de leur zone de chalandise. » (Pour en savoir plus, lire le rapport de 2010 du parlementaire Michel Piron, sur la proposition de loi relative a l’urbanisme commercial). « L’Etat doit reprendre le contrôle sur l’aménagement du territoire, comme cela se fait en Allemagne ou en Espagne, réclame justement Francis Palombi, Président de la Confédération des Commerçants de France. Là-bas ce ne sont pas les promoteurs immobiliers qui font la loi ! »
Une revendication qui commence a être entendue du côté des pouvoirs publics, mais le chemin semble encore long pour parvenir à imposer un contrôle plus stricte sur la construction de zones commerciales périphériques. D’où l’importance du combat que mènent depuis plusieurs années les associations de commerçants et de défense du centre-ville, afin de sensibiliser les élus et consommateurs quant à l’importance de leur démarche. En attendant, la consultation que nous menons sur la nécessité ou non d’instaurer un moratoire sur la construction de zones commerciales périphériques reste ouverte. Ne reste plus alors qu’à voter et partager.
Pour ou contre un moratoire sur la construction de zones commerciales périphériques ? Votez ici
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Je pense qu’il n’y a pas de généralités possibles. Les zones franches peuvent être intéressantes à certains endroits à certaines conditions. Le stationnement gratuit pour les clients est un bon vecteur à développer mais ne doit pas engendrer les stationnements ventouses de certains habitants, commerçants ou employés des entreprises situées en centre-ville. Tout doit être étudié en détail et pour chaque ville, et presque chaque rue. Un manager de Centre-Ville est une urgence: il doit fédérer les acteurs économiques d’une ville afin qu’une charte soit élaborée et que tous puissions travailler dans le même sens et dans le même esprit… Lire la suite »
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