Les dévendeurs n’existent pas Monsieur le Ministre, mais en plein Black Friday, cet authentique commerçant m’a incité à ne pas acheter !” 

« Vous prendriez lequel vous ? » questionne deux polos en mains, un client dans un magasin de mode. « Honnêtement… aucun des deux », rétorque un “dévendeur”, l’incitant ainsi à conserver son polo, en opposition au vendeur qui conseillerait tel ou tel article à l’achat. Ce spot issu de la campagne de l’ADEME (Agence de la transition écologique) incite à ne pas acheter du neuf et se veut humoristique, mais il n’a pas du tout fait sourire les organisations professionnelles liées au commerce. Et en premier lieu la Confédération des Commerçants de France (CDF), qui dénonce « une campagne de communication injuste à seulement un mois des fêtes de fin d’année, période cruciale pour les commerçants ».

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La CDF souligne qu’il s’agit de ne pas faire d’amalgame entre toutes les formes de commerces, tout comme le président de la Fédération Nationale de l’Habillement (FNH), s’exprimant sur BFM : « On a des ventes low-cost qui ont été multipliées par trois ces cinq dernières années », explique-t-il. Pierre Talamon invite plutôt à aller chercher les vrais responsables de la surconsommation du côté des enseignes fast fashion et des géants asiatiques sur internet. Jean-Pierre Gonet, le président de la Fédération des Détaillants en Chaussures de France (FDCF), demande de son côté le retrait de ce spot, tout comme l’Alliance du commerce, qui dénonce « une campagne de communication inacceptable, totalement déconnectée de la réalité économique des entreprises et des comportements d’achat des Français ».

Le ministre de l’Environnement campe sur ses positions

Une demande de retrait refusée à la veille du Black Friday par Christophe Béchu, ministre de l’Environnement « J’ai validé cette campagne, je l’assume et elle ne sera pas retirée. Ces spots ne représentent que “0,2%” des “20.000 spots” diffusés à la télé chaque jour, justifie-t-il. Que 0,2% du temps d’antenne publicitaire soit consacré à se demander si tous les achats sont utiles, franchement, vus les enjeux de transition écologique, ça ne me semble pas déraisonnable ». Un entêtement qui irrite Emmanuel le Roch, délégué général de Procos, la fédération du commerce spécialisé. « Qu’une campagne de pub, financée par l’argent public dénigre toute la profession des vendeurs et vendeuses en magasins en les renommant “devendeur” est inqualifiable et une faute politique majeure. Que monsieur Christophe Bechu, en charge également des territoires, donc de l’importance des magasins partout en France persiste et ne comprenne pas les conséquences de ses actes et décisions est d’une gravité rarement rencontrée ».

Certains ministres en revanche sont plus enclins à mettre en avant le commerce indépendant. Ici Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme remettant ce jeudi 23 novembre 2023 la légion d’honneur à Monsieur Francis Palombi président de la Confédération des Commerçants de France (CDF).

D’après une info RMC, le gouvernement aurait demandé le retrait de ce spot. Au sommet de l’exécutif, c’est surtout le fait de s’attaquer à une petite boutique plutôt qu’à un géant d’internet, qui a déplu. Et, que ce spot soit retiré ou pas, peu importe, totalisant plusieurs millions de vues, le mal est fait. Après avoir qualifié certains commerçants de « non essentiels », le gouvernement aurait pu éviter de montrer ainsi du doigt les magasins de prêt-à-porter qui sont déjà au plus mal. Et, si le ministre concède toutefois “une maladresse” en n’ayant pas visé plutôt les plateformes d’achat en ligne, il montre surtout sa méconnaissance de la pratique du commerce de proximité et plus particulièrement du commerce indépendant. Comme le souligne les fédérations professionnelles, ce ne sont pas les commerçants qui mettent en avant les promotions à tout va à longueur d’années, et ce ne sont pas eux non plus qui pratiquent des importations en masse d’articles de piètre qualité “vite acheté, vite jeté”. Surtout, le commerçant indépendant connait bien ses clients et il sait écouter et questionner avant de conseiller tel ou tel produit. Une vente doit avant tout répondre à un vrai besoin et in fine donner entière satisfaction au client. Comme le dit l’adage : « un client satisfait en parlera à 3 personnes là où un client insatisfait en parlera à 10 ». Avec un commerçant indépendant de proximité, il y a en plus la relation personnelle à prendre en compte : « J’achète mes vêtements à Carole qui me connait bien et qui ne va pas me conseiller ce pantalon s’il ne me va pas bien ». Il y a la plupart du temps, une vraie relation humaine de confiance, parfois même d’amitié qui s’est tissée entre deux personnes. On est loin de l’achat impulsif et impersonnel d’article de mode forcément sous-payé, car mal fabriqué au moyen d’une application… “Sheinoise”.

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Le commerçant qui a pignon sur rue respecte son nom et son enseigne, parfois depuis plusieurs générations et il a à cœur de bien faire son métier. Pas plus tard que ce vendredi 24 novembre, en plein week-end du Black Friday, je me rends chez un photographe, pour changer mon appareil photo qui date d’une dizaine d’années. Après m’avoir écouté et questionné sur mes besoins et sur les différents objectifs que je possède, ce revendeur multimarque m’a tout simplement incité à conserver mon appareil, car il correspondait toujours à mes besoins, m’a-t-il assuré. Ce commerçant a t-il raté une vente ? Même pas, car en discutant je me suis souvenu qu’il me manquait une sacoche plus petite lorsque je suis en reportage. Surtout il a gagné ma confiance, soit l’un des facteurs les plus importants dans la pratique du commerce. Alors non monsieur le ministre, notre société n’a pas besoin d’une communication payée par nos impôts et basée sur de factices “devendeurs”, mais du soutien de l’Etat à d’authentiques vendeurs responsables : les commerçants indépendants !

Philippe Maurel, directeur des publications lechommerces.fr et Boutique2Mode.

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