« Les chefs d’entreprises doivent rester optimistes ! »

Nicolas Yakoubowitch, expert-comptable élu au Conseil régional de l’Ordre des experts-comptables Paris Île-de-France, partage son analyse de la situation économique actuelle. Et décrypte les enjeux et les points de vigilance sur lesquelles se focaliser quand on est un chef d’entreprise.

Nicolas Yakoubowitch
Nicolas Yakoubowitch, Expert-comptable, élu au Conseil régional de l’Ordre des experts-comptables Paris Île-de-France, et président de la commission Prévention des difficultés économiques des clients.

Vous êtes en contact au quotidien avec les chefs d’entreprise, notamment de TPE et PME. Comment percevez-vous la situation économique actuelle pour ces entreprises ?

La situation économique et sociale a subi de plein fouet plusieurs crises : le covid, la guerre en Ukraine et au Proche-Orient, l’inflation sur les prix, notamment énergétiques, et les difficultés d’approvisionnement en matières premières. Tous ces événements conjoncturels, couplés à des difficultés structurelles dans certains secteurs, entrainent des situations complexes notamment pour les secteurs du bâtiment (11.000 entreprises en difficulté), de la promotion immobilière (+116% de défaillances ) et de l’hôtellerie-restauration (+44,6% de défaillances).

Ensuite, la dynamique sectorielle est assez variable en fonction des régions : aujourd’hui 1 défaillance sur 3 se situe en Île-de-France et la région Auvergne-Rhône-Alpes connaît une hausse des procédures de 38%. Mais il faut rester optimiste ! Les entrepreneurs affichent une confiance dans les perspectives économiques pour cette année tant pour l’économie mondiale et nationale que pour la santé de leur propre entreprise. N’oublions pas « l’effet JO » qui va bénéficier à l’économie française et à l’image de la France.

Sur quels indicateurs économiques et commerciaux s’appuyer pour piloter au mieux son activité, et prévenir ainsi l’apparition des difficultés dans son entreprise ?

Tout d’abord pour les commerçants, les TPE et PME, le niveau d’activité reste la priorité. Une gestion saine de la trésorerie couplée à des relations régulières et en confiance avec sa banque (notamment pour la gestion des autorisations de ses découverts) constituent des indicateurs classiques d’entreprise saine. Il est vrai que la combinaison d’un niveau faible de trésorerie et de dettes persistantes est très risquée pour toute entreprise notamment avec la forte hausse des charges permanentes.

De plus, il faut rappeler que le remboursement des dettes liées aux PGE contractés durant la crise Covid, au moment où la conjoncture économique déclinait, a entrainé un « effet ciseau » : les entreprises se sont vu supprimer leurs autorisations de gestion de court terme et de découvert, leur trésorerie a fondu et les premières difficultés qu’elles soient structurelles (certaines entreprises étaient déjà très fragiles avant le Covid) ou conjoncturelles, ont commencé. Il est donc très important de suivre son activité avec attention et de s’appuyer sur son expert-comptable pour prévenir les difficultés financières potentielles avant qu’elles ne deviennent critiques.

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Si malgré tout, les difficultés apparaissent et/ou sont trop importantes, quelle procédure mettre en œuvre afin d’éviter qu’elles deviennent trop dommageables ?

En 2023, 57.729 procédures collectives ont été ouvertes en France, marquant une augmentation significative de 36% par rapport à l’année précédente, après une hausse déjà substantielle de 49% en 2022 ! Plus de 240.000 emplois ont été impactés par ces défaillances d’entreprise, soit près de 100 000 emplois de plus qu’en 2022. Face à ce constat chiffré et factuel, il faut rappeler à tous les dirigeants que des mesures de prévention existent et qu’elles ont des avantages significatifs !

Tout d’abord, le maintien d’activité permet de préserver les emplois, de rassurer les fournisseurs et les clients. Le principe de la prévention est d’intervenir le plus en amont possible de l’état de cessation des paiements, et ainsi prévenir la procédure collective qui aurait des conséquences sur l’ensemble de l’écosystème de l’entreprise. Les procédures de mandats ad hoc et les conciliations, offrent un cadre légal pour négocier avec les créanciers. On se met sous protection du tribunal de commerce ce qui permet aussi de protéger le patrimoine de l’entreprise et du dirigeant. Il est donc important que les patrons de TPE et PME comprennent qu’en agissant tôt, ils peuvent éviter des procédures collectives plus sévères telles que le redressement ou la liquidation judiciaire. Voilà pourquoi l’Ordre organise de nombreuses actions de prévention en partenariat avec les institutions concernées (avocats, tribunaux de commerce, CAC, etc.).

Bien sûr, si les difficultés sont trop importantes et que des accords ne sont pas trouvés avec les créanciers de l’entreprise, il faudra mettre un terme à la prévention et basculer sur une procédure collective. Toutefois, le dirigeant aura sécurisé sa responsabilité en cas d’aggravation de la situation économique. Dans ces périodes de « coup dur », il est important de faire appel à son expert-comptable car il connait bien l’entreprise et les différentes procédures qui permettent de la protéger.

Justement dans ce contexte, quelle plus-value va apporter l’expert-comptable au chef d’entreprise ? Pourquoi est-ce important d’être bien accompagné, que ce soit dans les mauvaises, mais aussi les bonnes périodes de l’entreprise ?

Quand tout va bien, l’expert-comptable s’occupe du bilan financier et de certaines situations exceptionnelles (transmission, optimisation…). Bref, on le sollicite peu. C’est donc à lui d’aller vers ses clients pour les accompagner au quotidien mais aussi anticiper des bonnes ou mauvaises trajectoires. Quand la situation financière de l’entreprise se tend, l’expert-comptable est celui qui peut mettre en œuvre un accompagnement sur-mesure.

A l’Ordre des experts-comptables d’Île-de-France, nous sommes convaincus que la prévention reste la clé. Il faut combattre le déni des difficultés et favoriser le développement des mesures de prévention qui sont déterminantes. Lors des phases sensibles, création d’entreprise de moins de 2 ans, période de transmission, phase de développement, les experts-comptables redoublent d’attention. Leur expertise avisée est essentielle pour déceler d’éventuelles erreurs de gestion comme un tableau de bord non maitrisé, une mésentente entre les dirigeants, la faiblesse du système d’information.

L’expert-comptable connait les rouages de l’entreprise grâce auxquels il pourra détecter les signaux avant-coureurs (dénonciation des découverts, problèmes d’organisation, perte de clientèle…) et mettre en place les bons réflexes pour l’accompagner  dans la mise en œuvre des procédures préventives (mandat ad hoc et conciliation) et de sauvegarde. Plus le diagnostic sera posé tôt, plus les solutions seront efficaces, et plus rapide sera le redressement. L’expert-comptable est le meilleur conseil pour mettre en place des mesures préventives, des actions rapides et efficaces et un écosystème d’expertises pour aider les TPE-PME.

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