Comment l’IA transforme la façon dont les clients choisissent un commerce

Géolocalisation, recommandations personnalisées, assistants intelligents capables d’orienter l’acte d’achat… Avec la démocratisation de l’usage de l’IA, ce sont non seulement les comportements de consommation qui changent, mais aussi la manière dont les commerces de proximité sont découverts, choisis et fréquentés.

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Pendant longtemps, l’intelligence artificielle (IA) est restée un sujet un peu lointain, réservé aux géants du numérique et aux aficionados de technologie. Mais depuis quelques mois, un véritable basculement s’est produit. L’utilisation de l’IA s’est ouverte à un public beaucoup plus large, au point de devenir un réflexe du quotidien pour de nombreux consommateurs. Assistants conversationnels, moteurs de recherche enrichis à l’IA, applications mobiles intégrant des recommandations intelligentes… Les Français n’utilisent plus seulement ces outils pour effectuer une recherche en ligne, comme on peut le faire sur un moteur de recherche traditionnel, mais de plus en plus pour orienter leurs achats.

À travers Google (Gemini), Apple (Apple Intelligence), Meta (Meta AI), Perplexity AI (Perplexity) ou encore OpenAI (ChatGPT), l’IA intervient désormais dans toutes les étapes du parcours d’achat, du simple repérage d’un produit, jusqu’à la décision finale. Trouver un restaurant à proximité, vérifier quels commerces sont encore ouverts, chercher une boutique qui propose un produit ou un service précis, comparer les prix entre les commerçants… Autant de requêtes désormais gérées par des modèles qui croisent localisation, disponibilité supposée, avis, horaires, historique de navigation et préférences personnelles.

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Ce basculement est aujourd’hui de plus en plus mesurable. Selon l’Adyen Retail Report 2025, étude menée par Adyen, l’un des plus grands prestataires mondiaux de paiement pour les grandes enseignes, près d’un tiers des Français (31 %) utilisent aujourd’hui l’IA pour les aider dans leurs achats du quotidien. Mieux encore, 42 % des personnes interrogées se disent prêtes à adopter cette technologie pour leurs futurs achats. L’étude souligne par ailleurs que l’usage de l’IA progresse dans toutes les classes d’âge, y compris chez les plus de 60 ans. « Les consommateurs progressent un peu chaque jour dans leur adoption de l’IA, en découvrant petit à petit comment cette technologie transforme de manière concrète leur expérience d’achat », explique Roelant Prins, directeur commercial chez Adyen.

Pour les commerçants, cette mutation n’est pas un simple changement d’outil. Elle transforme profondément la manière dont les clients les trouvent, les choisissent et évaluent l’expérience qu’ils vivent dans leur établissement. Et cette réalité rebat les cartes.

Moins de hasard dans la composition de la clientèle

L’une des évolutions les plus visibles pour les professionnels du commerce concerne la clientèle de passage, qui perd encore du terrain, au profit d’une clientèle orientée par l’IA. « Aujourd’hui, lorsqu’un consommateur cherche un produit ou un service, il a de plus en plus tendance à interroger une intelligence artificielle. Et pour cause, cette IA peut lui fournir une réponse rapide, personnalisée et adaptée à sa situation », explique Valentine Tapia, formatrice spécialisée SEO pour les commerçants indépendants.

Ces consommateurs, mieux renseignés, arrivent ainsi en magasin avec une idée précise, parfois même avec une comparaison déjà effectuée entre plusieurs établissements. « L’IA n’a pas créé ce comportement, qui existait déjà avec les recherches manuelles sur les moteurs de recherche, mais elle le systématise de plus en plus », poursuit Valentine Tapia. Pour les commerçants, cela rend la visibilité numérique presque aussi déterminante que la localisation physique.

Un constat partagé par Olivier Benoît, consultant chez Solutions Boutiques, entreprise spécialisée dans l’équipement et la formation des professionnels du commerce : « On observe très clairement que les clients viennent moins par hasard et plus par intention. Quand une IA leur donne une réponse précise, ils suivent cette suggestion, surtout si elle semble fiable et rapide. Un commerce qui ne tient pas à jour ses informations, ou qui n’apparaît pas dans ces systèmes, perd mécaniquement des opportunités. La vitrine compte toujours, mais la vitrine numérique devient plus que jamais incontournable. »

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Ce que les commerçants peuvent mettre en place dès maintenant

Face à cette évolution majeure, l’information devient par conséquent un actif stratégique pour les entreprises, notamment dans le commerce. La question ne se limite plus à “être visible”, mais à “être lisible”. Et pour cause, ce que l’IA ne connaît pas, elle ne peut pas le recommander. « Un commerce peut être très apprécié, bien noté, ou présent depuis longtemps dans son quartier, mais si ses horaires varient, si ses photos datent d’il y a quatre ans, si son site n’indique nulle part ses services ou ses tarifs, l’algorithme le considérera comme un choix incertain… et proposera une alternative plus fiable », appuie Olivier Benoît. Dans ce nouveau paysage, les commerçants peuvent mettre en place plusieurs actions pour améliorer leur “lisibilité numérique”.

Première priorité : des informations fiables, complètes et cohérentes partout.
Pour être recommandés, les commerces doivent d’abord être correctement identifiés par l’IA. Cela implique de tenir à jour l’ensemble des données essentielles : horaires, adresse, fermetures exceptionnelles, services proposés, modes de contact… Mais aussi de veiller à ce que ces informations soient cohérentes d’une plateforme à l’autre (Google Business Profile, site internet, réseaux sociaux, annuaires locaux ou plateformes spécialisées). La moindre divergence, que ce soit un horaire différent, une adresse mal orthographiée ou encore une ancienne fiche encore active, affaiblit la perception de fiabilité pour l’IA.

Deuxième priorité : renouveler régulièrement ses éléments visuels.
Les IA ne se contentent pas d’analyser du texte : elles interprètent aussi les images. Des photos récentes de la vitrine, de l’intérieur, des produits ou de l’équipe permettent aux modèles de détecter plus clairement l’activité réelle du commerce. À l’inverse, des visuels datés, flous, trop génériques ou qui ne correspondent plus à la réalité peuvent brouiller l’analyse et réduire la visibilité locale.

Troisième priorité : rendre son offre compréhensible.
Là encore, il ne s’agit pas de marketing sophistiqué, mais d’une présentation claire. L’IA fonctionne mieux quand les rubriques sont distinctes, les services détaillés et les catégories explicites.

  • Dans une boutique de mode par exemple, distinguer le prêt-à-porter, les accessoires et la chaussure permet déjà à l’assistant de répondre plus précisément aux requêtes des clients. Mais cela ne suffit pas. L’IA doit aussi être en mesure d’interpréter des demandes beaucoup plus fines : le modèle exact recherché, une forme particulière, un coloris précis, une matière spécifique… Pour que ces requêtes soient correctement comprises, les fiches produits doivent être renseignées de la manière la plus complète et la plus précise possible.
  • Pour un restaurant, il est recommandé de détailler l’ensemble de la carte, d’indiquer clairement les ingrédients, les options végétariennes ou sans allergènes, ainsi que les spécialités de la maison. Il est également utile de préciser si la vente à emporter ou la livraison sont disponibles, de présenter les tarifs, les menus, les formules du midi, et d’ajouter des informations pratiques comme les horaires, le temps moyen d’attente ou les modes de paiement acceptés. Plus ces données sont complètes, plus l’IA sera capable de répondre avec précision aux requêtes des clients.
  • Dans un institut de beauté, l’accent doit être mis sur la description détaillée de chaque prestation : épilation, manucure, soins du visage, massages, poses d’ongles, maquillage, etc. Plus les services sont clairement listés et expliqués, plus l’IA sera en mesure d’identifier l’offre réelle de l’établissement et de la faire remonter dans les suggestions locales. Cela devient particulièrement important lorsque le client formule une demande précise (« où faire un soin du visage à proximité ? », « manucure express près de chez moi »), car la pertinence de la réponse dépend directement de la qualité des informations fournies.
  • Pour un buraliste, il sera essentiel de détailler clairement l’ensemble des produits et services proposés : tabac, jeux de la FDJ et du PMU, papeterie, cartes téléphoniques, confiseries, presse, relais colis, mais aussi éventuelles démarches administratives ou services de proximité. Chaque catégorie doit être explicitée, car les clients formulent souvent des requêtes très précises (« où valider un ticket PMU près d’ici ? », « buraliste ouvert pour un colis », « point presse à proximité »), et l’IA ne peut y répondre correctement que si l’information est disponible et compréhensible. Plus la fiche établissement est complète, plus l’assistant a de chances d’identifier l’activité réelle du commerce et de le faire apparaître dans les résultats pertinents.

Quatrième priorité : des signaux d’activité et d’engagement réguliers.
Les IA tiennent aussi compte des signes d’activité autour d’un commerce. Des avis récents, des remerciements laissés par l’établissement ou des échanges brefs avec les clients montrent qu’un lieu est vivant et fréquenté. Ce dynamisme contribue à renforcer la crédibilité du commerce et augmente ses chances d’apparaître dans les recommandations. À l’inverse, un établissement perçu comme inactif remonte moins souvent dans les résultats proposés aux utilisateurs.

Une transition déjà engagée, qui va s’accélérer

Ce travail de mise à jour, de clarté et de cohérence n’est pas un simple ajustement technique, il conditionne désormais la manière dont un commerce apparaît, ou non, dans les suggestions faites aux clients. Plus les assistants d’IA seront intégrés dans les usages, plus ils privilégieront les établissements capables de fournir des informations fiables, structurées et alignées. C’est déjà visible aujourd’hui, et cette logique va s’amplifier. Une récente étude du cabinet McKinsey estime ainsi que les agents d’IA pourraient intervenir, d’ici 2030, dans 3 000 à 5 000 milliards de dollars de décisions d’achat dans le monde. Autrement dit, une part croissante des intentions de visite et des choix de consommation se jouera en amont, dans les recommandations formulées par ces assistants.

Pour autant, cela ne signifie pas que les IA remplaceront totalement les décisions d’achat des consommateurs. Les diverses études menées sur la question montrent aujourd’hui que les clients utilisent davantage ces assistants intelligents pour des achats pratiques (comparer les prix d’un appareil, trouver un produit fiable, identifier le billet d’avion le moins cher…) que pour des choix plus émotionnels ou sensoriels. « Lorsque la décision repose sur des critères objectifs, l’IA apporte une vraie valeur. Mais dès que l’achat touche au goût, au plaisir ou à l’expérience personnelle, l’humain reste essentiel », souligne ainsi Luca Cian, professeur de marketing à la Darden School of Business (Université de Virginie).

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Pour les commerçants, le défi est clair : savoir combiner l’efficacité de la technologie avec le jugement humain. L’IA devient un appui précieux pour être mieux identifié en ligne et apparaître dans les recommandations, mais la décision finale reste largement guidée par l’émotion, l’expérience vécue et le savoir-faire du professionnel. Attirer un client grâce à l’IA ne suffit pas, encore faut-il, une fois la porte franchie, offrir une qualité d’accueil, un conseil authentique, une expertise sur les produits ou les réalisations… tout ce qui fait la singularité d’un commerce de proximité ! Ceux qui sauront utiliser la technologie pour amener le client tout en cultivant cette dimension humaine prendront une véritable longueur d’avance. Car dans ce nouvel environnement, la technologie aide à vous trouver, mais c’est ce que vous faites vivre dans votre établissement qui donne envie de rester, de revenir, et donc de choisir votre commerce plutôt qu’un autre.

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