ITW “Un village de marques à Coutras déstabilisera les centres-villes aux alentours”

Pour évaluer l’impact de l’implantation d’un village de marque à Coutras, la CCI de Bordeaux a mandaté un cabinet qui vient de rendre des conclusions favorables au projet. Une étude que critique vivement le collectif national de contrôle des centres de marques

Le cabinet quadrivium, mandaté par la CCI de Bordeaux, a livré son étude sur l’implantation d’un village de marque à Coutras. Que pensez-vous de cette étude ?

Son problème majeur c’est qu’elle s’appuie sur plusieurs postulats de base qui sont discutables. L’essence même des villages de marques par exemple. Dans l’étude, il est précisé que les produits qui y sont commercialisés sont issus des années passées, or nous avons démontré à plusieurs reprises que de nombreuses marques produisaient des collections spécialement pour les centres de marques… Ce qui crée dès le départ une distorsion de concurrence avec les commerçants revendeurs de ces mêmes marques installés en centres-villes. La zone de chalandise aussi a été minorée. L’impact du projet a été délimité sur un temps de voiture de 60 minutes aux alentours, or pour les villages de marques de plus de 15 000 m2, c’est 90 minutes ! Cette minoration est d’autant plus grave que la majeure partie de l’analyse économique concerne les villes situées à un temps de trajet de seulement 30 minutes. Enfin, dès le début de l’étude il est précisé que le positionnement marketing du village de marques à Coutras reste encore à définir. Or c’est une donnée fondamentale puisque c’est justement le positionnement qui va permettre de connaître quel type de commerce sera impacté dans les centres-villes aux alentours.

L’étude explique pourtant que l’impact sur la vitalité des commerces aux alentours sera limité. Qu’avez-vous à répondre à cela ?

Là encore, nous considérons que les conclusions de l’enquête sont biaisées. A plusieurs reprises il est expliqué que pour les villages de marques déjà bâti, il n’y a pas de concurrence directe avec les commerces des centres-villes voisins. Or cela fait des années que nous rencontrons des commerçants sur le terrain aux quatre coins de la France qui nous attestent du contraire. Au niveau juridique également, la jurisprudence des Commissions d’aménagement commercial (qui ont retoqué les villages de marques de Galargue, Fournes, Saint-André-de-Cubzac, Le Muy) ainsi que celles du juge administratif (pour les villages de marques de Fournes, Douains, Saint-André-de-Cubzac) a confirmé à plusieurs reprises le lien entre l’ouverture d’un centre de marque et les menaces pour la vitalité des commerces aux alentours. D’ailleurs on le voit bien, l’étude présentée par le cabinet quadrivium explique elle-même qu’afin de « limiter l’impact sur les commerces locaux, et principalement ceux de Libourne, les porteurs du projet doivent apporter de solides propositions quant aux mesures de soutien ».

Malgré cela, le cabinet quadrivium démontre que peu d’emploi seront détruits dans les commerces aux alentours, le contestez-vous également ?

Bien entendu, tout simplement parce qu’une nouvelle fois nous considérons que l’étude minimise la portée d’un tel projet. L’estimation du chiffre d’affaires que pourrait réaliser le village de marques à Coutras a été minorée afin de limiter l’impact sur les commerces de proximité des centres-villes voisins. Un village de cette surface génère un chiffre d’affaires de 100 millions d’euros, et non de 45 à 69 millions d’euros comme cela est expliqué dans l’étude. Forcément ça affecte les autres conclusions, à savoir le nombre d’emplois qui pourraient être supprimés, entre 35 et 44 selon l’étude. A ce propos justement, le calcul arithmétique du nombre d’emplois menacés ne correspond pas à la réalité économique des petits commerces. En effet, un commerçant indépendant n’a pas la même capacité à absorber une perte de chiffre d’affaires comme pourrait le faire une grande enseigne nationale. Si bien que 10% de perte de CA peut très bien conduire à une faillite, et là ce n’est plus un salarié, mais l’ensemble du personnel qui se retrouve sans emploi ! Enfin il y a l’impact négatif qu’aura nécessairement le village de marques de Coutras sur les Galeries Lafayette de Libourne. L’étude de quadrivium fait mention de ce problème, mais là encore elle minimise l’impact. Pourtant dans le scénario où elles seraient amenées à fermer leur porte, ce qui est possible, c’est l’ensemble des commerces de la ville qui en pâtiraient gravement.

Lire aussi : A Coutras, un village de marques contre les centres-villes

A l’inverse, l’étude explique que de nombreux emplois seront créés, 396 emplois directs et 22 emplois indirects, en estimation basse. Qu’en dites-vous ?

Les retombées indirectes sont exagérées, notamment en matière de restauration et d’hôtellerie. D’après ce que l’on sait, le projet de village de marques à Coutras comportera une offre en restauration, ce qui démontre bien l’objectif de garder les clients au sein de l’ensemble commercial. Par ailleurs, et contrairement à ce qu’explique le cabinet quadrivium, un village de marque n’est pas une destination touristique en lui-même. La ville de Roubaix, qui est entourée de deux centres de marques, en est la preuve. Les hôteliers et les restaurateurs n’ont pas bénéficié de retombées économiques particulières.

Quels sont les autres points que vous contestez dans cette étude ?

Il y a deux choses. Tout d’abord, l’étude d’impact ne prend pas en compte l’incompatibilité du projet avec le Document d’Orientation et d’Objectifs du SCOT de la CALI (Communauté d’agglomération du Libournais) en matière de commerce. Ce document mentionne pourtant la nécessité de conserver Libourne comme ville centre, et recommande pour ce faire de renforcer son équipement commercial. L’aspect environnemental n’est également pas considéré. Dans le contexte actuel, bâtir un immense complexe commercial dans lequel il faudra se rendre en voiture, avec toute la pollution atmosphérique que cela engendrera, ne nous paraît pas cohérent avec les objectifs environnements fixés par l’Etat.

Pour conclure, comment expliquez-vous un tel décalage entre votre analyse et celle du cabinet quadrivium ?

Il n’y a qu’à faire un tour sur le site internet du cabinet quadrivium pour comprendre l’essence du problème. Leur métier consiste à aider les porteurs de projets commerciaux à présenter un dossier qui sera susceptible de recevoir un accord favorable en CDAC, et si besoin en CNAC. Ce sont eux par exemple qui ont réalisé le dossier et défendu le projet auprès de la CDAC de l’Essonne pour le village Marques Avenues de Corbeil-Essonnes. Nous nous interrogeons ainsi sur le choix de la CCI de Bordeaux d’avoir fait appel à ce prestataire pour réaliser cette étude. Nous avons donc contacté la CCI pour leur faire part de nos critiques quant aux conclusions de cette étude. En espérant que nos arguments seront entendus.

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