Un employeur peut installer une vidéosurveillance sans prévenir ses salariés

Un récent arrêt de la Cour de Cassation a admis la recevabilité des preuves illicites ou déloyales lors d’un procès aux prud’hommes. Et notamment la possibilité de recourir à la vidéosurveillance, même si les salariés n’en sont pas informés. Sous certaines conditions néanmoins. Explications.

vidéosurveillance réglementation
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C’est un véritable tournant dans la jurisprudence du droit du travail français. Jusqu’à présent, en cas de conflit devant la justice prud’hommale, le juge ne pouvait pas tenir compte d’une preuve obtenue de manière déloyale, c’est-à-dire lorsqu’elle était recueillie à l’insu de la personne concernée.

Mais la donne a aujourd’hui changé. Dans deux arrêts rendus tout récemment, la Cour de cassation a admis que la preuve déloyale ou illicite, qui était déjà recevable au pénal, peut l’être aussi au civil, donc aux Prud’hommes. C’est notamment le cas pour les enregistrements audios effectués à l’insu d’un salarié, ou même de la vidéosurveillance. Mais l’utilisation de ces preuves est valable sous strictes conditions. 

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Deux conditions nécessaires

Au regard des deux arrêts rendus, la Cour de cassation a ainsi admis la possibilité de recevoir des preuves déloyales ou illicites sous deux conditions :

  • En premier lieu, il est nécessaire que cette preuve déloyale ou illicite soit l’une des seules solutions possibles pour que la personne qui s’en prévaut puisse faire valoir ses droits.
  • En second lieu, l’atteinte portée à la personne mise en cause (notamment sa vie privée) doit être proportionnée par rapport au but poursuivi.

Ainsi dans un arrêt datant du 14 février 2024, la Cour de cassation a admis la possibilité pour un employeur d’utiliser un système de vidéosurveillance à l’insu de ses salariés. Dans cette affaire, une salariée contestait son licenciement pour faute grave, car elle n’avait pas été informée de la mise en place du système de vidéosurveillance qui avait permis à son employeur de détecter des vols dans son établissement.

En effet, la loi informatique et libertés de janvier 1978 impose aux employeurs d’avertir les salariés lors de la mise en place d’un système de vidéosurveillance, faute de quoi les preuves apportées sont considérées comme déloyales, et ainsi irrecevables. Mais en l’occurrence, les juges de la Cour de Cassation ont estimé que les preuves apportées par la vidéosurveillance étaient cette fois recevables, considérant notamment que l’employeur n’avait pas d’autres moyens de prouver les agissements frauduleux de la salariée en question.

Vers un espionnage généralisé ?

Suite à cette affaire, les syndicats de salariés sont montés au créneau pour exprimer leur inquiétude, et notamment le risque d’un espionnage généralisé des salariés. Pour autant, cette inquiétude semble aujourd’hui assez infondée, notamment du fait que l’utilisation des preuves illicites, via un enregistrement ou une vidéosurveillance, est strictement encadrée. En aucun cas la jurisprudence de la Cour de la cassation ne permet aux employeurs de surveiller leurs salariés sans motifs valables, et la condition de respect de la vie privée reste toujours fondamentale.

Les seules personnes inquiétées par cette nouvelle jurisprudence sont celles et ceux qui adoptent des comportements et agissements frauduleux dans l’entreprise. Une bonne nouvelle qu’il convient ainsi de saluer.

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