La marketplace : Le miroir aux alouettes pour les villes

Les changements de comportement des consommateurs pendant la crise du COVID ont tout à coup réveillé l’intérêt des villes pour le numérique. Les sociétés spécialisées dans la mise en place de solutions de e-commerce et de marketplaces se sont ruées vers cette opportunité à coups de messages prometteurs et d’offres alléchantes. Mais qu’en est-il dans la réalité ?

marketplace local

Tous ont pu le constater, les habitudes d’achat ont été bouleversées durant la période de confinement. Et si les grandes surfaces ont connu un fort succès, beaucoup de consommateurs se sont aussi tournés vers leurs commerces de proximité pour les besoins de première nécessité et vers les grands sites de e-commerce pour les achats plus spécifiques. Commander en ligne auprès d’un boulanger ou d’un producteur local, se faire livrer ou retirer ses courses dans un lieu de collecte prenait aussi tout son sens pour éviter la contamination ou les files interminables. Cette prise de conscience de l’intérêt du numérique est bien sûr tout-à-fait positive et ouvre à priori des pistes pour repenser le commerce local et les centres-villes. Toutefois, l’analyse de ces comportements a vite donné lieu à des raccourcis : « Les citoyens aiment à nouveau leurs commerces de proximité et veulent commander en ligne ! » En réaction à cette situation, de nombreuses villes se sont lancées “les yeux fermés” dans des projets de marketplaces généralistes destinées à l’ensemble de leurs commerces. Chaque jour, des articles de presse annoncent la mise en place d’une marketplace dans telle ou telle ville et cet intérêt est apparu largement au travers des auditions sur grande-cause-nationale.fr.

Cette solution peut sembler à première vue un choix intéressant. Elle apporte aux commerçants des outils immédiats pour passer à la vente en ligne. De plus, elle devrait donner une image attractive du commerce local en présentant sur un site unique la richesse de l’offre.

La réalité est pourtant loin d’être aussi belle !

  • L’achat en ligne anonyme et sans âme auprès des commerces de proximité, est-ce vraiment ce qu’attendent les habitants d’une ville ? Associer « numérique » et « e-commerce » est plutôt réducteur. Ne faut-il pas plutôt en profiter pour valoriser le centre-ville en tant qu’espace de vie et enrichir l’expérience d’achat ? Les solutions numériques sont nombreuses, que ce soit pour la mobilisation citoyenne, la fidélisation, la visibilité, l’attractivité, la communication, le cross-canal, etc.
  • Les marketplaces généralistes des villes telles que mavillemonshopping.fr, achetezaupuy.com, commerceliegeois.be vous offrent-elles un choix suffisant d’articles et les conseils nécessaires pour susciter l’achat d’un vêtement, d’un roman, d’une cuisine équipée, d’une pièce de rechange pour votre voiture ou des idées de cadeaux pour la fête des pères ? La réponse est probablement « non ». Beaucoup de commerçants n’y participeront pas, soit car ils disposent déjà de leurs propres canaux de vente en ligne plus performants ou, tout simplement, car ils ont vite compris que les quelques ventes réalisées de cette manière ne couvriront pas l’investissement en temps qu’ils devraient y consacrer. Et, bien entendu, si la marketplace locale n’est pas suffisamment alimentée et attractive, cela fera plutôt fuir le client potentiel vers d’autres supports… comme Amazon.

Réinventons nos centres-villes

Ces remarques ne visent pas à démolir le concept de marketplace qui a déjà parfaitement montré son succès et son intérêt pour les acheteurs. A côté des géants comme Amazon, on trouve également de nombreuses marketplaces spécialisées et très appréciées pour les articles de mode, les restaurants, les libraires, les articles de seconde main et bien d’autres. Certaines marketplaces locales destinées à des besoins et publics spécifiques ont tout leur sens également, que ce soit pour rassembler les offres des petits producteurs à proximité ou proposer du click&collect pour les achats alimentaires quotidiens. Carrefour vient également d’annoncer le lancement d’une nouvelle marketplace afin de s’associer à d’autres commerces partenaires pour élargir son offre et toucher un nouveau public.

Ce que je tiens à pointer du doigt, c’est le manque de méthodologie déployé par beaucoup de villes pour accompagner les quartiers commerçants dans leur transformation. Le choix d’une solution numérique n’a de sens que si elle est capable de répondre à une réelle attente et d’amener des effets positifs sur le long terme. Comme pour tout projet, cela nécessite de passer par différentes phases depuis l’analyse de la situation actuelle, l’identification d’objectifs clairs, l’élaboration d’une stratégie complète, l’accompagnement et le suivi permanent des résultats. Une bonne méthodologie n’est pas nécessairement longue et couteuse. L’essentiel consiste avant tout à se poser les bonnes questions et ne pas brûler les étapes.

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La situation des centres-villes et quartier commerçants va malheureusement continuer à se dégrader via les nombreuses faillites annoncées suite au Covid-19. Il suffit de quelques fermetures pour déstabiliser complètement l’écosystème local et l’emmener dans un cycle d’accélération du déclin. Ce ne sont pas quelques aides financières ou des solutions « sparadrap », comme une marketplace, qui vont sauver la situation.

Il est urgent de réagir pour réinventer vos centres-villes. Sortez des sentiers battus !

A propos de l’auteur

Dominique Moraux, consultante et formatrice depuis plus de 20 ans, combine son profil de géographe et de spécialiste des usages de l’Internet pour construire un digital durable et collaboratif pour votre ville.

linkedin.com/in/dominique-moraux-consultante/

www.dynamconsult.be

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