L’impact social des commerçants valorisé à plusieurs millions d’euros !
Outre son apport pour l’emploi et l’économie locale, le commerce de proximité génère également de nombreuses externalités positives, chiffrées à plusieurs millions d’euros. C’est en tout cas ce que démontre une récente étude qui s’est penchée spécifiquement sur ces questions.

À l’heure où de nombreux centres-villes constatent une baisse de fréquentation, et que dans le même temps les commerçants indépendants doivent faire face à des hausses de charges et à des incertitudes économiques grandissantes, la question de leur rôle dans la société dépasse largement la simple logique économique. Que reste-t-il d’un quartier lorsqu’il perd ses commerces ? Au-delà des vitrines vides, c’est un réseau de liens humains, d’attentions quotidiennes et de solidarité diffuse qui disparaît.
C’est avec pour mission d’objectiver cette réalité que la coopérative Datactivist a lancé le projet EXCOM (Externalités du Commerce de proximité), en partenariat avec Paris Commerces, la Métropole Rouen Normandie, la Fondation Urbanis, Urbanis Aménagement et Altavia Foundation. Pour mener à bien ce projet, qui prend la forme d’une vaste étude, 324 commerçants, principalement des indépendants de tout types d’activité (alimentaire, équipement de la personne, CHR, équipement de la maison, culture…) ont été interrogés dans cinq territoires : Paris, Saint Ouen, et quatre villes de la Métropole Rouen Normandie (Duclair, Elbeuf-Sur-Seine, Le Trait, Rouen). L’analyse de ces entretiens a permis de dégager 18 effets sociaux et environnementaux du commerce, regroupés dans 6 catégories : lien social, environnement, espace public, santé et sécurité, solidarité, vie de quartier.
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L’ambition : fournir des données objectivées permettant d’influencer les politiques publiques et de réarmer les dispositifs de soutien aux commerces de proximité, en intégrant enfin la valeur des « externalités positives » qu’ils produisent. Voici les principaux points à retenir.
La roue des effets sociaux et environnementaux du commerce

Des échanges quotidiens qui brisent l’isolement
Première externalité positive recensée, le lien social apporté par les commerçants de proximité. 88 % des commerçants déclarent ainsi discuter chaque semaine de manière informelle avec leurs clients. Dans 68 % des cas, ces échanges touchent même à des sujets personnels, parfois intimes, révélant un lien de confiance qui dépasse la simple relation client-prestataire. Pour une part significative de la population, notamment les personnes âgées ou celles en situation de précarité, ces rencontres représentent les seuls moments de dialogue réel dans la journée.
« Ayant beaucoup de personnes âgées dans mon quartier qui viennent bavarder dans ma boutique quand elles font leurs courses, certaines donnent mon numéro de téléphone à leurs enfants qui peuvent m’appeler s’ils n’arrivent pas à se joindre, j’ai même des clefs pour aller chez leurs parents », témoigne un fleuriste parisien.
Le commerce devient alors un lieu-refuge, un espace d’écoute, un substitut temporaire à une structure d’accueil absente ou inaccessible. A noter que comme le souligne l’étude d’Excom, « toutes les catégories de commerces sont par ailleurs concernées par le fait d’échanger longuement avec certains clients. Le croisement des données ne fait en effet pas ressortir d’écart marqué selon ce qui est vendu. Concrètement, les commerces alimentaires autant que les commerces culturels/de loisir sont des acteurs de la socialisation quotidienne »
Valorisation économique : Les auteurs de l’étude ont chiffré la valorisation économique de cette mission d’écoute sociale. En extrapolant le temps d’interaction observé, elle estime que pour une ville de 1 000 commerces, l’équivalent de 1,2 million d’euros par an serait nécessaire pour assurer un service d’écoute équivalent via des dispositifs publics ou associatifs.
Une solidarité du quotidien, souvent invisible
Autre apport décisif, mais largement sous-estimé : la fonction de relais social et de soutien de première ligne. 23 % des commerçants participant à l’enquête sont interpellés au moins une fois par semaine par des personnes dans le besoin, et parmi eux 78 % déclarent avoir fourni spontanément un appui matériel ou humain à une personne en difficulté : verre d’eau, accès aux toilettes, mise à l’abri temporaire, aide au port de charges, repas ou produit offert, prêt de téléphone…
Cette forme de solidarité discrète, qui s’opère sans dispositif formel ni compensation, est particulièrement marquée dans les cafés et les restaurants. « Plus de la moitié d’entre eux sont interpellés au moins une fois par semaine, soit 27 points de pourcentage de plus que l’échantillon général. Cela s’explique par la facilité d’accès à des services de base qu’ils proposent », relate l’étude d’Excom.
Au-delà de cette aide immédiate, les commerçants jouent souvent un rôle de relais vers les services sociaux et les associations caritatives. Nombre d’entre eux s’impliquent ainsi dans des actions solidaires telles que la collecte de denrées alimentaires ou la participation à des programmes d’aide aux personnes isolées. Autre particularité, ce sont principalement les commerçants des villes moyennes, entre 10 000 et 100 000 habitants, qui sont le plus sollicités par la population locale pour un soutien social.
Valorisation économique : Là encore, l’étude propose une estimation de cette contribution invisible : 259 000 euros par an pour 1 000 commerces, si cette aide devait être assurée par une structure dédiée.
Des piliers de la vie de quartier
Les commerçants de proximité ne se contentent pas d’ouvrir boutique : ils participent activement à la vie collective de leur quartier. Près d’un commerçant sur deux (43 %) s’engage ainsi régulièrement dans des initiatives d’animation : marchés festifs, événements saisonniers, décorations collectives, ateliers thématiques, actions éducatives. Au-delà, 70 % rendent des services aux habitants de leur immeuble ou de leur rue (réception de colis, surveillance, dépannage…). La solidarité entre commerçants est également très présente, 96 % des répondants à l’enquête déclarent rendre des services aux autres commerçants des alentours.
« La vie de quartier chez nous, c’est accueillir les nouveaux arrivants lors de nos dégustations de vins tous les jeudis soir. Mes clients sont vite devenus amis entre eux », témoigne un caviste installé à Saint Ouen.
Enfin, les commerces contribuent à dynamiser la vie locale par l’organisation d’événements et d’animations. Près d’un commerçant sur 2 le fait au moins une fois par an, contribuant à renforcer l’identité de leur quartier et en faire un lieu attractif et vivant.
Valorisation économique : Cette capacité à générer du lien horizontal, à entretenir la convivialité et à faire vivre les micro-communautés urbaines est valorisée à hauteur de 289 000 euros par an pour 1 000 commerces, selon l’étude.
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Des garants de la sécurité et du confort urbain
Autre externalité mise en lumière par l’étude EXCOM, la contribution des commerçants à la sécurité et à la tranquillité publique. Plus de 8 commerçants sur 10 déclarent ainsi avoir été confrontés à des situations d’urgence dans leur environnement immédiat — personne en détresse, chute, malaise, situation conflictuelle, etc. Les commerces sont aussi des espaces de refuge. « Au-delà de leur capacité d’intervention, ils jouent un rôle dans le sentiment de sécurité des passants, et notamment des passantes. Ils peuvent en effet être des lieux sûrs (“safe spaces”) dans lesquels entrer en urgence pour se protéger contre le harcèlement de rue », appuie l’étude d’Excom.
« Le commerce est devenu un point de ralliement pour les habitants du quartier qui n’hésitent pas à venir demander de l’aide, comme mon voisin en situation de handicap qui s’est retrouvé coincé en dehors de chez lui. Grâce à un autre commerçant serrurier il a réussi à rentrer chez lui sans frais, car il n’avait pas les moyens », témoigne un librairie parisien.
Ces gestes quotidiens, souvent spontanés et invisibles, contribuent directement à renforcer le sentiment de sécurité des habitants. Le commerçant devient un acteur de veille de proximité, un relais non institutionnel d’alerte et de réassurance.
Valorisation économique : L’étude chiffre cette contribution à 414 000 euros par an pour une ville de 1 000 commerces, en se fondant sur une estimation du temps consacré à ces interventions et du coût qu’impliquerait une prise en charge publique équivalente.
Un engagement environnemental croissant
À rebours des clichés qui cantonnent encore trop souvent les petits commerces à des logiques traditionnelles, l’étude EXCOM révèle un engagement concret en matière de transition écologique. 88 % des commerçants interrogés affirment avoir mis en œuvre des actions de réduction des déchets, que ce soit via le tri, la limitation des emballages, la vente en vrac ou la revalorisation des invendus. 71 % ont investi dans des équipements pour réduire leur consommation d’énergie (LED, isolation, changement de vitrines ou d’appareils de froid, etc). Enfin, 39 % sensibilisent activement leur clientèle à des gestes plus responsables.
« Notre épicerie était avant tout écologique, mais on s’est rendu compte avec le temps qu’on a un ÉNORME impact social. Les magasins de proximité c’est la vie ! Et c’est la paix. Sans ça il n’y a plus de lien et chacun commande sur internet, on meurt de solitude ou on finit par détester tout et tout le monde, c’est la guerre », témoigne un épicier parisien.
Par le biais de ces initiatives, les commerçants de proximité jouent un rôle actif dans la transition écologique, en favorisant une prise de conscience collective et en encourageant une évolution progressive des modes de consommation.
Valorisation économique : Si ces démarches restent encore difficilement monétisables, l’étude souligne leur rôle pédagogique et exemplaire. Un commerçant particulièrement impliqué dans la sobriété énergétique ou la lutte contre le gaspillage peut, à l’échelle d’un quartier, équivaloir à une micro-campagne de sensibilisation publique.
Une contribution directe à l’espace public
Dernière externalité positive mise en avant par cette vaste étude, les commerces de proximité influencent directement l’attractivité, la propreté et la qualité d’usage des espaces publics. Dans l’étude EXCOM, 70 % des commerçants affirment nettoyer eux-mêmes régulièrement les abords de leur magasin. Nombre d’entre eux participent également à la décoration de la rue ou à des opérations d’embellissement (vitrines soignées, végétalisation, mobilier éphémère, décoration de rue). Enfin, 20 % signalent fréquemment des dysfonctionnements ou dégradations aux services municipaux : mobilier cassé, éclairage défectueux, présence de personnes vulnérables, etc.
« Depuis 10 ans, nous réclamions, avec les autres commerçants de la rue, des jardinières pour verdir cette rue et aussi lutter contre le stationnement sauvage. Depuis février 2024, des jardinières ont été installées. Nos clients apprécient énormément et nous aussi », témoigne un épicier rouennais.
Ces actions, souvent menées sans coordination ni financement, représentent un soutien constant à la gestion urbaine, et génèrent un avantage économique appréciable pour la collectivité.
Valorisation économique : L’étude estime la valeur théorique de ces actions de valorisation de l’espace public à 467 000 euros par an pour 1 000 commerces, en comparaison avec des interventions d’agents publics ou d’entreprises de nettoyage urbain.
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Un plaidoyer pour la reconnaissance institutionnelle
En consolidant l’ensemble de ces contributions (lien social, entraide, animation, sécurité, écologie, embellissement), l’étude EXCOM démontre que chaque commerçant de proximité génère une valeur sociétale pouvant aller de quelques centaines à plusieurs milliers d’euros par an ! Loin d’être un simple agent économique, le commerçant de quartier devient ainsi un acteur social et territorial à part entière. « Pour une ville comptant 1.000 commerces, la valeur de ces services rendus atteint presque les 3 millions d’euros annuels », chiffre l’étude d’Excom. A l’échelle nationale, cela représente ainsi plusieurs dizaines de millions d’euros !
Autant de contributions qui ne sont aujourd’hui que très peu reconnues, et qui doivent inciter les pouvoirs publics à prendre les mesures nécessaires pour venir en soutien aux commerçants. Tout dernièrement, près de 6 000 commerçants ont d’ailleurs donné donné leur avis sur 10 mesures pour soutenir le commerce. L’occasion idéale de partager une nouvelle fois les résultats.
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Merci pour la diffusion de cet article qui met en lumière l’UTILITE chiffrée de la présence de commerçants et artisans dans les villes ! Bien à vous.