Coronavirus : les ventes en ligne sont-elles déloyales ?

De plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer la distorsion de concurrence, pendant cette période de confinement, entre ceux qui peuvent continuer à vendre en ligne et ceux dont l’activité est à l’arrêt.

Coup de tonnerre ! Amazon va cesser de livrer les produits non-essentiels aux consommateurs, en France et en Italie. « Nous devons concentrer les capacités disponibles sur les articles les plus prioritaires et, à compter d’aujourd’hui, temporairement cesser de prendre des commandes sur certains produits, a indiqué le groupe dans un communiqué. Les employés de nos centres de distribution se concentreront sur la réception et l’expédition des produits dont les clients ont le plus besoin à l’heure actuelle. » C’est-à-dire les produits d’hygiène ou de base pour la maison. A noter que cette nouvelle politique ne s’applique que pour les nouvelles commandes. Les achats qui ont déjà été passés seront donc bien livrés aux clients. Autre point important, ce dispositif ne s’applique que pour les produits commandés directement auprès d’Amazon, ou auprès des vendeurs tiers qui chargent Amazon de stocker et expédier les commandes. Autrement dit, les vendeurs tiers qui ne passent pas par la logistique d’Amazon pour stocker et envoyer leurs produits, vont continuer de fonctionner normalement.

Distorsion de concurrence

La décision prise aujourd’hui par Amazon n’est pas anodine. Ces derniers jours, de plus en plus de voix ont commencé à se faire entendre pour dénoncer la distorsion de concurrence qui pouvait exister entre la firme de Seattle, qui recrute à tour de bras et enregistre des ventes records, et les commerces dits non essentiels qui n’ont eux plus le droit d’ouvrir leurs portes. Et notamment le Syndicat de la librairie française (SLF), qui s’interroge toujours aujourd’hui sur la pertinence de continuer à vendre des livres pendant cette période de confinement. « Si la vente de livres en librairie n’est pas « indispensable » à la vie de la nation, pourquoi la vente de livres par Amazon ou un hypermarché l’est-elle ? », questionne-t-elle à travers un communiqué publié jeudi 19 mars.

Lire aussi : Qui sont les clients des librairies indépendantes ?

Risque sanitaire

Au-delà du seul aspect économique, le Syndicat de la librairie française pointe par ailleurs les risques sanitaires inhérents à la vente de produits en ligne. A juste titre, car la commande d’un livre en ligne crée du mouvement. Dans les entrepôts des éditeurs ou dans les magasins appartenant aux e-marchands, les salariés se déplacent et se croisent à longueur de journée, sans compter les livreurs qui se rendent au domicile du client. « Les risques sanitaires engendrés par cette chaîne logistique sont très importants alors que les consignes officielles nous enjoignent à limiter au maximum les contacts », dénonce le SLF. C’est d’ailleurs en ce sens que plusieurs plates-formes de libraires, telles que Librairiesindependantes.com, Leslibraires.fr, Librest, Chezmonlibraire, Librairies-nouvelleaquitaine.com… ont décidé d’interrompre d’elles-mêmes leurs services de commandes pour retrait ou livraison.

Et la question se pose aussi sur les autres secteurs d’activité de ventes en lignes. Que ce soit pour les produits de mode, de cosmétique, d’électroménager, d’ameublement… Amazon, est loin d’être le seul e-marchand en France. Devons-nous légiférer afin que tous les commerces soient sur un même pied d’égalité, ou à l’inverse laisser la possibilité à ceux qui peuvent encore travailler de poursuivre « normalement » leur activité ? Des questions qui en appellent d’autres. Faut-il créer une Covid-Taxe sur ces activités e-commerce, afin de soutenir « l’effort de guerre » ? Ces activités commerciales dites « non essentielles » sont-elles nécessaires pour assurer un minimum d’activité économique ? Après-tout et même si ce n’est pas considéré comme essentiel, la panne sèche d’un téléviseur ou d’un smartphone risque de poser un vrai problème à des personnes isolées et coupées du monde pendant plusieurs semaines. Un service minimum bienvenu et assuré dorénavant par le secteur e-commerce. 

Faut-il interdire la vente en ligne des produits non essentiels ?

Par les temps qui courent et lorsque les règles économiques sont bouleversées du jour au lendemain, peut-on encore se poser la question de concurrence loyale ou déloyale ? Le débat est ouvert.

  Cet article vous a été offert !
Abonnez-vous et soutenez le média qui défend les commerçants indépendants.

Je m’abonne