Conforama, le pays où la vie – des salariés – est moins chère !

L’enseigne d’ameublement Conforama a annoncé la suppression de 1900 emplois en France. Et ce alors même que le marché de l’ameublement n’est pas particulièrement en crise. Comment l’expliquer ?

1905 postes supprimés, 42 magasins fermés dès 2020 : l’enseigne historique d’ameublement Conforama procède en ce moment même à un plan social sans précédent. Des négociations qui font aujourd’hui l’objet d’un affrontement entre la direction et les syndicats. En cause, les indemnités de licenciement, que les représentants du personnel jugent trop peu élevés. La direction de Conforama proposent des indemnités « supra-légales » (qui s’ajoutent aux indemnités légales de licenciement) sous forme de forfaits : 1 000 euros entre zéro et 10 ans d’ancienneté, 2 000 euros entre 10 et 20 ans et 2 500 euros au-delà.

Des sommes ridicules selon Gilles Guez, représentant CGT, qui prend pour exemple les montants habituellement pratiqués pour un plan social dans les grandes entreprises : « Chez Carrefour, ils partent avec une indemnité supra-légale de 2 mois de salaire par année d’ancienneté, et chez Castorama, où notre nouveau PDG Marc Ténart a été dirigeant, avec 1,6 mois par année d’ancienneté », a-t-il expliqué au micro d’Europe 1.

Rebond du marché de l’ameublement en 2019

Au-delà du conflit syndical qui retient toute l’attention médiatique, c’est surtout la stratégie de Conforama qui soulève aujourd’hui de nombreuses interrogations. Contrairement à d’autres secteurs économiques du commerce (comme la mode par exemple), le marché de l’ameublement n’a pas connu de véritable crise (voir graphique ci-dessous). Depuis 2014, il repart même à la hausse, hormis en 2018, et on observe même une progression du chiffre d’affaires des distributeurs de 4,3% depuis le début de l’année !

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Source : Fédération française du Négoce de l’Ameublement et de l’Équipement de la Maison.

Une embellie qui n’aura donc pas profité à Conforama, fondée au milieu des années 1960 par quatre industriels français. Comment l’expliquer ? Le poids lourd de l’ameublement avait pourtant été l’un des pionniers de la vente en ligne dans le secteur, bien avant le géant suédois Ikea. Mais faute d’investissements nécessaires, il n’a pas su profiter de la croissance exceptionnelle de l’e-commerce dans ce secteur (+56% en 2018, 15% du marché contre 8% des ventes chez Conforama). Les géants de la vente en ligne, Amazon et Cdiscount en tête, ne se sont pas fait prier pour se partager le gâteau.

Surtout, Conforama n’a pas su imposer sa patte, soit proposer une offre exclusive qu’on ne retrouve pas ailleurs. « On veut acheter un lit Ikea alors que vous n’entendrez jamais personne dire je vais acheter un lit Conforama », illustre à ce propos le chroniquer et journaliste économique Axel de Tarlé. L’enseigne qui s’était fait connaître grâce à son fameux slogan « le pays où la vie est moins chère » a donc été pris à son propre piège dans cette course aux prix toujours plus bas. Les difficultés de sa maison-mère, Steinhoff, impliquée dans un scandale financier depuis 2017, n’auront pas arrangé les choses. Pour tenter de remonter la pente, Conforama avait cédé à Carrefour sa participation dans Showroomprivé pour 78,7 millions d’euros, puis conclut un accord avec un groupe de gestion d’actifs et d’investissement afin obtenir un financement de 115 millions d’euros sur trois ans. L’enseigne d’ameublement avait aussi trouvé un compromis avec ses créanciers sur un plan de refinancement, à hauteur de 316 millions d’euros, au mois d’avril 2019.

Lire aussi : « Le client doit revenir au centre des préoccupations »

Rien n’y fait, pris dans le cercle vicieux d’un endettement élevé (1,72 milliards d’euros pour 3,4 milliards d’euros de chiffres d’affaires en 2018) couplé à des revenus en baisse, Conforama a dû se résoudre à un plan de restructuration massif. Au grand dam des salariés, d’autant qu’il n’est point question de parachute doré chez Conforama, « le pays ou l’indemnité des salariés est moins chère », lesquels se sont mis en grèves et dénoncent des indemnités de licenciement honteuses. Des revendications que l’on peut comprendre, reprises dans les médias et qui rappellent au passage que des milliers d’indépendants tirent eux aussi chaque année le rideau, sans indemnités, sans chômage et sans personne pour pleurer sur le sort. Reste à savoir à présent si cette restructuration sera suffisante pour sauver les meubles… C’est bien le cas de le dire !

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