Fast fashion : les commerçants demandent le blocage pur et simple des sites Shein et Temu

Dans une lettre ouverte adressée au gouvernement, les principales fédérations du commerce de proximité demandent le déréférencement immédiat des plateformes Shein, Temu et AliExpress. Une prise de position forte, largement soutenue par les commerçants, même si certains appellent à la nuance.

Le ton est ferme. Dans une lettre ouverte signée par la Confédération des Commerçants de France (CDF) et le Conseil du Commerce de France (CDCF), et soutenu par 14 autres fédérations représentant l’essentiel du commerce de détail, les organisations réclament « la mise hors ligne immédiate » de plateformes comme Shein, Temu et AliExpress. En ligne de mire : la prolifération de produits non conformes et dangereux, des pratiques commerciales jugées déloyales, et un modèle économique incompatible avec les engagements environnementaux et sociaux de la France.

Lettre ouverte CDF CDCF déréférencement des sites shein temu
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Des produits à risque et une concurrence déloyale

Les chiffres avancés par les fédérations sont éloquents : 85 à 95 % des articles mis en vente sur ces sites ne respecteraient pas les normes européennes, et 66 % seraient potentiellement dangereux, notamment pour les enfants. Mais la menace n’est pas que sécuritaire dénoncent les représentant de commerçants « Ces plateformes éludent la TVA, échappent aux droits de douane, contournent les périodes de soldes, violent les règles d’étiquetage et de transparence commerciale. Elles tirent un avantage concurrentiel déloyal au détriment des commerçants français, des marketplaces responsables, des PME qui investissent dans la conformité. Le principe de loyauté des transactions commerciales, pourtant inscrit dans le Code de la consommation, est piétiné. Cette distorsion de concurrence est insoutenable et économiquement destructrice ».

Une disposition légale permet le déréférencement

Les commerçants demandent au gouvernement d’agir en utilisant les moyens juridiques disponibles, comme l’article L. 521-3-1 du Code de la consommation, qui autorise le blocage administratif de sites web en cas de manquements répétés. Ils rappellent qu’un précédent existe avec la plateforme Wish, déréférencée en 2021 à la suite d’un contentieux similaire.

Des commerçants mobilisés mais lucides

Sur le terrain, l’initiative est bien accueillie, mais suscite aussi débat. Dans le groupe d’entraide et de réflexion des commerçants indépendants, animé par l’echommerces sur Facebook, les témoignages illustrent une prise de conscience partagée, mais aussi une certaine prudence. Françoise Huguet, commerçante, alerte : « Les Chinois ont déjà anticipé la taxation des colis hors UE en implantant des dépôts en Europe de l’Est. Résultat : cette mesure risque d’être contournée. » Auré Giessinger va plus loin : « Quel commerçant n’a jamais acheté sa déco de vitrine sur Temu ? Je l’ai fait, et pourtant je suis d’accord sur le fond : c’est un vrai problème. »

Pour Patrice Karli, également commerçant dans le secteur de la mode, le débat mérite d’être nuancé : « Le textile vendu par nos grossistes français, est-il plus vertueux ? Nos boutiques vendent aussi du made in China. Ce n’est pas noir ou blanc. » Aurore, commerçante en prêt-à-porter, tempère : « La qualité des produits Shein n’est pas comparable avec ce que nous vendons, même si cela vient aussi de Chine. Ce n’est pas juste une question de pays, mais de gamme. » Enfin, Sophie Lemaitre et d’autres alertent sur un possible effet boomerang réglementaire : « Attention à ce que nos revendications ne se retournent pas contre nous avec des normes qui seront plus faciles à contrôler et donc à imposer aux commerces physiques qu’aux plateformes. »

Une attente de mesures concrètes, mais ciblées

Si le blocage des sites fait consensus chez beaucoup, certains commerçants soulignent l’urgence de repenser la stratégie du commerce de proximité : valoriser les produits durables, communiquer sur la qualité, retrouver du sens dans l’achat local. Comme le résume Patrice Karli : « Plutôt que de pleurnicher sur les promos ou les soldes, développons des messages forts : “Deux vêtements jetables ou un vêtement durable ? »

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Un débat nécessaire et des mesures attendues

Cette lettre ouverte a le mérite de proposer une mesure radicale et de poser aussi le débat au sein des commerçants. La balle est désormais dans le camp des pouvoirs publics. Mais au sein même du commerce indépendant, les réflexions se poursuivent pour imaginer une riposte cohérente, éthique et économiquement réaliste face à une fast fashion mondialisée et redoutablement efficace.

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