Les commerçants face à l’ouverture du dimanche
Durant plus de deux mois, nous avons sollicité les commerçants afin de connaître leur position quant à l’ouverture des commerces le dimanche. Au total, près de 3000 réponses et plusieurs centaines de témoignages écrits, qui démontrent la nécessité d’ouvrir davantage le débat sur ce sujet de société.
Faut-il généraliser l’ouverture du dimanche ? Pour 70% des répondants à notre enquête, principalement des commerçants indépendants, la réponse est négative. Un résultat sans appel au premier abord, pourtant la lecture des nombreux témoignages écrits que nous avons reçus à la rédaction montre que le débat est plus animé qu’il n’y parait. Car au-delà d’un simple enjeu commercial, c’est surtout de notre modèle de société dont il est question.
« Le dimanche, c’est la famille et les amis ! »
La nécessité de conserver une vie sociale et familiale est certainement l’un des arguments les plus répétés à la lecture des nombreux témoignages que nous avons reçus à la rédaction. « Le dimanche doit rester un jour de repos pour la majorité, autrement c’est nos vies de famille qui en feront les frais », prévient ainsi Emilie Massiot, de la boutique de décoration et d’arts de table Tendance Léa, à Périgny. Un avis partagé par Marianne Ducamp, du magasin Herba Nova, à Pau : « il faut préserver des temps à l’échange, la rêverie, le partage… faire autre chose. Mon commerce est ouvert 6 jours sur 7 et c’est déjà épuisant », relate-t-elle.
« Le dimanche doit rester un jour de repos pour la majorité, autrement c’est nos vies de famille qui en feront les frais »
Ce que confirme Maryse Martinet, commerçante dans le secteur de la mode et conseillère municipale à Lons-Le-Saunier : « En tant qu’indépendante, je travaille du lundi matin (administratif, rendez-vous banque, comptable…), au samedi soir jusqu’à 20 H, 20 H 30 ! J’effectue un minimum de 55 heures par semaine et un maximum de 72 heures ! J’ai déjà le sentiment de ne pas vivre à côté de mon travail, je ne prends qu’une semaine de vacances par an pour des raisons financières et je ne gagne pas correctement ma vie compte tenu des heures effectuées ! Comment voulez-vous que je travaille encore en plus le dimanche ? Ce serait de la pure folie et je risquerais le burn-out ! »
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« L’ouverture du dimanche profite seulement aux grandes enseignes »
De nombreux témoignages font aussi état de la difficulté de rentabiliser cette journée supplémentaire ouvrée. « L’ouverture du dimanche peut être envisageable mais pas dans les conditions actuelles, puisque vu le coût salarial, il n’y a pas de perspectives de rentabilité pour les petits commerçants », relate ainsi un détaillant. « Au contraire, la rentabilité baissera, prédit Nathalie Trassard, gérante de la bijouterie Influences, à Orléans. Comme le pouvoir d’achat des consommateurs n’est pas extensible, notre chiffre d’affaires se lissera sur 7 jours au lieu de 6, et nos charges fixes (salaires, électricité, chauffage…) augmenteront automatiquement. A l’inverse, les grandes structures auront les moyens et le personnel suffisant pour s’organiser. Ce sont donc elles qui capteront la majeure partie de la clientèle, au détriment des petits commerces…» Jacques Saint-Clair, pourtant commerçant dans une galerie commerciale Carrefour à Perpignan, partage lui aussi cette crainte quant à l’avenir des indépendants dans le cas où l’ouverture du dimanche venait à se généraliser. « Si les Hypers souhaitent à tout prix ouvrir le dimanche, c’est aussi parce qu’ils veulent asphyxier les petites structures. » Un avis que semble partager Philippe Daquai, Président de la Fédération des Détaillants en Chaussures de France. « On a récemment estimé que l’ouverture du dimanche aurait un coût supplémentaire chiffré à 17% des charges, affirme-t-il. Dans ce contexte, seule la grande distribution et ses fournisseurs asiatiques sera capable de tenir le rythme. »
« Seules les grandes structures auront les moyens et le personnel suffisant pour s’organiser. Ce sont donc elles qui capteront la majeure partie de la clientèle, au détriment des petits commerces »
« Laissez -nous travailler en paix ! »
Plusieurs commerçants ont à l’inverse défendu l’ouverture du dimanche. « Il faut libérer le commerce, afin que ceux qui veulent ouvrir puissent le faire librement », défend ainsi Maryline Lafitte, gérante d’une boutique de décoration, à Royan. Une volonté de libéralisation soutenue par de nombreux commerçants, mais qui ne serait pas forcément efficace pour certains, qui craignent au contraire que « le consommateur ne comprenne pas pourquoi l’un est ouvert, quant son voisin n’a pas levé le rideau », comme l’explique une commerçante de Biarritz. « Dans ma ville, la libération des ouvertures dominicales/fériés a créé de la confusion, de la perte de repères dans l’esprit des clients mais aussi des commerçants. Si vous n’êtes pas ouvert le dimanche (pour diverses raisons) vous êtes taxés de “fainéants”, de “trop riches” bref, une tension est née entre les ouverts et les autres », regrette ainsi Odille Guilbaud, gérante d’une pâtisserie-confiserie à Verdun.
Se fédérer pour dynamiser les centres-villes
Si l’immense majorité des répondants au sondage ne souhaitent pas généraliser l’ouverture du dimanche, une part importante d’entre eux reconnait que la décision doit aussi se faire en fonction des territoires. « Le dimanche doit rester un jour de repos pour les commerçants, après pour ceux qui se trouvent en zones touristiques par exemple, je peux comprendre que la législation s’adapte », témoigne ainsi Virginie Queguinier, gérante d’une boutique de mode sport, à Morlaix. « Le dimanche, c’est le jour où nos clients viennent acheter en famille, ils sont détendus. Si nous devions fermer ce jour-là, notre chiffre d’affaires baisserait automatiquement de 20% », argumente ainsi Danielle Gauduchon, commerçante à l’Île de Ré.
« Le dimanche, c’est le jour où nos clients viennent acheter en famille, ils sont détendus. Si nous devions fermer ce jour-là, notre chiffre d’affaires baisserait automatiquement de 20% »
Pour d’autres enfin, l’ouverture du dimanche est l’occasion pour les commerçants de jouer collectif. « Nous pourrions fixer une date commune et fédérer le plus de commerçants possible afin de créer une opération de communication qui rassemblerait tous nos clients, propose ainsi Joly Fontanel, commerçante à Lyon. Le consommateur réserverait ce jour pour les achats, ce qui nous permettrait de rentabiliser au maximum cette journée de travail supplémentaire. » Coopérer pour faire progresser l’ensemble des commerces de la ville. Une bonne initiative, à mettre en place tous les jours… ou presque !
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