Fête du Travail : « En mai, fais ce qu’il te plaît ! »

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Depuis quelques jours, le débat s’intensifie sur l’interdiction de travailler le 1er mai. Certains boulangers en ont fait les frais par le passé, verbalisés pour avoir simplement ouvert boutique. L’un d’eux a même été convoqué par la police pour avoir laissé ses salariés – volontaires – pétrir et servir ce jour-là. D’autres commerçants s’interrogent : ont-ils encore le droit de travailler dans leur propre entreprise un jour férié ? Une question qui se pose aussi aux salariés : peut-on encore travailler librement en France, y compris… le jour de la fête du travail ?

Ce paradoxe à la française pourrait faire sourire, s’il ne révélait pas une dérive plus profonde : celle d’une société qui confond mémoire et immobilisme, liberté et contrainte.

Un combat historique… à replacer dans son contexte

Comment en est-on arrivé à sacraliser cette journée ? Un retour aux sources s’impose. En 1886, à Chicago, des milliers d’ouvriers se mettent en grève pour réclamer une journée de travail de 8 heures. À l’époque, on travaille 12 à 14 heures par jour, six jours sur sept, sans droit et sans protection. Des conditions de travail particulièrement dures et précaires que l’on retrouve aussi en Europe. Le courage des différents mouvement ouvriers, leur révolte, parfois au péril de leur vie, ont permis de poser les premières pierres des droits que nous tenons aujourd’hui pour acquis. En 1889, la 2e Internationale socialiste consacre le 1er mai comme journée mondiale de lutte ouvrière. Et en 1941, le Maréchal Pétain décrète officiellement la « fête du Travail et de la Concorde sociale », avant que le 1er mai soit en 1948 institué par la loi, dès lors ce jour devient férié, chômé et payé.

S’il convient d’entretenir la mémoire liée aux avancées sociales du 1er mai, faut-il pour autant célébrer cette journée à l’identique un siècle plus tard ? Aujourd’hui, les droits des travailleurs ont évolué. Droit de grève, congés payés, représentation syndicale, dialogue social, entretien annuel… les outils de dialogues et de protection existent, le 1er mai ne constitue donc plus le seul exutoire pour faire entendre la voix des salariés.

Depuis la fin du 19ème siècle l’économie a profondément changé. Tous les grands sites de e-commerce continuent de tourner à plein régime le 1er mai, tandis que les commerçants, eux, se voient interdire d’ouvrir, alors même que leurs concurrents – souvent soumis à de moindres charges et contraintes – vendent en ligne 24 heures sur 24, 365 jours par an. Une distorsion de concurrence qui interroge sur l’équité d’un système qui prétend protéger… mais pénalise ceux qui souhaitent simplement exercer leur métier.

Concilier droit du travail et liberté de travailler

Dans ce contexte faut-il encore imposer ce jour comme férié et chômé, y compris à ceux qui souhaitent travailler ? Car là est l’enjeu. Il ne s’agit pas de nier le sens du 1er mai ou de de remettre en cause les droits fondamentaux des salariés, mais de refuser qu’il devienne un carcan liberticide. Dans un pays qui fait de la liberté une valeur fondatrice, le droit de travailler ne devrait-il pas en faire partie ? Refuser qu’un salarié volontaire puisse exercer son activité le 1er mai, n’est-ce pas une atteinte à sa liberté individuelle ? Et le choix consenti de travailler le 1er mai ne pourrait-il pas aussi être un moyen d’être utile à la société, de faire vivre un commerce et de contribuer ainsi à la solidarité nationale via le paiement des charges sociales et autres cotisations, alors même que nos caisses de retraites et nos caisses tout court – de l’Etat et des commerçants – sont exsangues. À force de surprotéger certains symboles, ne risquons-nous pas de perdre de vue l’essentiel : notre capacité collective à maintenir un système que beaucoup nous envient ?

Lire aussi : Ouvrir son commerce un jour férié : Que dit la loi ?

Alors oui, « En mai, fais ce qu’il te plaît », y compris le jour de la fête du Travail ! Car travailler un jour férié, c’est aussi pour nombre de salariés la possibilité de mettre un peu de beurre dans les épinards, à une période où le pouvoir d’achat est en berne. Sans oublier ceux qui n’ont pas de travail et ne sont donc eux, pas à la fête, ainsi que les travailleurs indépendants de tous secteurs, qui n’ont souvent pas d’autre choix que de travailler ce jour-là. Surtout, laissons à chacun la liberté de choisir. Il est temps de redonner du sens à la fête du Travail en la réconciliant avec les aspirations d’aujourd’hui.

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