Un boulanger condamné pour avoir « trop travaillé »
Cédric Vaivre, boulanger à Lusigny-sur-Barse, dans l’Aube, a été condamné à 3 000 euros d’amende pour avoir ouvert sa boulangerie 7 jours sur 7 l’été dernier. Une condamnation qui relance le débat du repos hebdomadaire, et pose la question de l’équité entre les différentes tailles de commerce.
Travailler plus pour gagner plus ? En France, ce n’est pas toujours le cas et ce n’est pas Cédric Vaivre, boulanger à Lusigny-sur-Barse, dans l’Aube, qui dira le contraire. L’artisan a en effet été condamné a une amende de 3 000 euros par la Direction régionale des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, pour non respect du repos hebdomadaire. Deux arrêtés préfectoraux, datant de 1994 et de 2000, imposent en effet à tout commerçant du département de fermer boutique au minimum une fois par mois, sauf en cas de dérogation. Une dérogation à laquelle avait droit Cédric Vaivre jusqu’à présent, mais dont il n’a pas pu bénéficier l’été dernier. D’où l’amende qu’on lui demande de régler aujourd’hui.
Certains défendent la liberté d’entreprendre…
Le boulanger de l’Aube exprime aujourd’hui sa colère face à une situation qu’il juge injuste. “Il faut arrêter de faire chier les gens qui travaillent. On se lève tous les matins pour remplir la boutique et satisfaire les clients. J’aime fabriquer le pain et faire plaisir à mes clients », a-t-il dénoncé sur l’antenne de RMC, lors de l’émission Les Grandes Gueules. Avant de justifier sa décision d’ouvrir chaque jour de la semaine par le fait que c’est justement durant l’été qu’il réalise la plus grande partie de son chiffre d’affaires. Il espère aujourd’hui, avec la médiatisation de son affaire et le lancement d’une pétition de soutien, voir son amende minorée. Le boulanger Aubois est soutenu dans sa démarche par le maire de la commune de Lusigny-sur-Barse, qui a annoncé avoir pris rendez-vous avec le préfet afin de modifier la réglementation départementale en vigueur. Interrogé par Le Figaro, Matthieu Labbé, délégué général de la Fédération des Entreprises de Boulangerie (FEB), qui regroupe les gros du secteur (Holder, Brossard, Jacquet, France Pain, La Mie Câline…), fustige à son tour cette décision. « Pourquoi ne pas laisser les boulangeries ouvrir quand elles le souhaitent comme c’est le cas pour les restaurateurs ou les bouchers ? On se plaint de la chute du nombre d’artisans boulangers en France alors qu’on ne les laisse pas ouvrir quand ils veulent », déplore-t-il. Ce dernier milite ainsi pour une modification de la législation actuelle afin que les boulangeries puissent se battre à armes égales avec les grandes surfaces.
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… Quand d’autres militent pour la défense du petit commerce
Protéger les boulangeries de petites tailles est pourtant l’une des principales raisons avancées aujourd’hui afin de justifier la loi en vigueur. “L’ouverture 7 jours sur 7 présente un danger pour notre profession », expliquait ainsi Jean-Pierre Crouzet, Président à l’époque de la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie, dans un entretien accordé à Sud Ouest, en 2015. Pour ce dernier, un changement de réglementation favoriserait mécaniquement les établissement de plus grandes tailles, qui disposent d’assez de personnel pour effectuer un roulement sur 7 jours. L’ouverture continue tout au long de la semaine serait également un frein à l’implantation des nouveaux venus. “Si les jeunes qui ouvrent un commerce sont tenus de travailler 7 jours sur 7 pour être concurrentiels, ils fuiront la profession, car ils seront assurés de vivre un enfer. Or nous manquons déjà de 10 000 boulangers en France. Une boulangerie qui compte trois ou quatre employés ne peut fonctionner sur un tel rythme, ou alors ce serait au détriment de la qualité du produit. Le risque est grand de tomber dans l’ère de la boulangerie industrielle. »
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Un discours qui trouve une certaine résonance dans le contexte actuel, puisque dans un rapport remis le 15 mars 2018 au ministre de la Cohésion des territoires, Jacques Mézard, propose d’étendre l’ouverture des commerces le dimanche pour « stimuler l’attractivité des centres-villes ». Une proposition qui, dans l’optique où elle serait adoptée, serait donc à même de favoriser les entreprises de plus grandes tailles, ou de mettre à mal la vie familiale des petits commerçants… Derrière la condamnation très médiatisée, et certainement sévère, du boulanger Aubois, c’est aussi notre modèle de société et de consommation dont il est question. Preuve en est qu’il est toujours essentiel de forger son opinion en regardant au-delà du bon sens primaire et… des titres aguicheurs !
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