Revitalisation des centres-villes : les indépendants oubliés ?

André Marcon, Président honoraire des CCI de France, a remis ce jeudi 15 mars son rapport sur la revitalisation des centres-villes au Ministre de la Cohésion des Territoires, Jacques Mézard. Découvrez les principales mesures.

D’année en année la vacance commerciale des centres-villes français ne cesse de progresser, avec un taux de locaux vacants qui dépasse aujourd’hui les 11%, d’après la dernière estimation de la Fédération du Commerce Spécialisé, Procos. Une situation périlleuse autant pour les commerçants installés dans ces villes en difficulté que pour la sauvegarde du patrimoine français, qui puise une grande partie de sa richesse dans la diversité de son territoire. Dans ce contexte, les pouvoirs publics semblent avoir – enfin – pris la mesure de l’importance du problème, à l’image par exemple du programme “Action Cœur de Ville », qui prévoit d’investir 5 milliards d’euros d’argent public sur 5 ans sur une soixantaine de villes moyennes. Une initiative à saluer mais qui ne peut en aucun cas se suffire à elle-même.

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En ce sens, le rapport remis par André Marcon au Ministre de la Cohésion des Territoires, Jacques Mézard, s’annonce comme une bonne nouvelle dans la mesure où il envisage la revitalisation des centres-villes sous un angle plus global. Tourisme, services publics, politique de l’habitat… et bien entendu commerces sont considérés comme un grand ensemble, afin de redonner une véritable dynamique aux villes en difficulté. En revanche, la plupart des recommandations émises pour le commerce semblent être davantage adaptées aux besoins des grandes enseignes. Les zones commerciales périphériques ne sont quant à elle jamais mises en cause…

Élargir les horaires d’ouvertures

Les commerces de centre-ville doivent s’adapter à la forte concurrence du e-commerce. Chacun a désormais l’habitude d’acheter 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 sur internet, de se faire livrer, parfois même le dimanche. Les consommateurs délaissent des magasins de centre-ville dont les horaires d’ouverture trop restreints sont inadaptés à leurs contraintes ou dont l’offre standardisée (équipement de la personne, biens culturels) ne justifie plus le déplacement dans un magasin. » C’est en énonçant ce constat que le rapport préconise une extension des horaires d’ouverture des commerces. André Marcon recommande ainsi de « supprimer la règle de fermeture des magasins à dominante alimentaire le dimanche à 13 heures sous condition d’un accord collectif préalable, lorsque les établissements ont une surface de vente de moins de 3 000 m2 ».

La fermeture d’un magasin le soir avant 21h, représente généralement une perte d’activité allant jusqu’à 25 % »

Outre l’ouverture dominicale, le document propose d’élargir l’ouverture des commerces le midi et vante également les vertus de l’ouverture en soirée. “La fermeture d’un magasin le soir avant 21h, représente généralement une perte d’activité allant jusqu’à 25 % », peut-on ainsi lire. Un positionnement bien tranché alors même que les présupposés effets bénéfiques de telles mesures ne rencontrent pas de consensus actuellement. Et pour que les commerçants de plus petites tailles puissent tenir un tel rythme, le rapport émet certaines solutions, telles que le groupement d’employeurs, le temps partagé ou encore le multi-salariat (pour plus de détail, voir page 94 et 95 du rapport). Des solutions innovantes certes, mais qui sont encore loin d’être ancrées dans les pratiques des commerçants indépendants.

Renforcer l’équité fiscale

Si le rapport d’André Marcon ne met pas en cause les constructions de zones commerciales périphériques, il insiste davantage sur l’opposition entre le e-commerce et le commerce physique. Et regrette particulièrement le manque d’équité fiscale entre ces deux formes de commerce. “La part du commerce dans les recettes fiscales est supérieure au poids du commerce dans le PIB », peut-on lire dans le document. Pour rééquilibrer cette situation, le rapport préconise la création de zones spécifiques au sein des centres-villes, avec pour objectif de “lever les obstacles qui bloquent ou freinent les investissements en centre-ville ». La taxe sur les surfaces commerciales (Tacom, qui s’applique aux commerces de plus de 400 m2) est notamment pointée du doigt pour son manque d’efficacité. Les commerces de 400 à 1.000 mètres carrés pourraient ainsi en être exonérés dans des périmètres bien définis.

La part du commerce dans les recettes fiscales est supérieure au poids du commerce dans le PIB »

Plus généralement, le rapport recommande le basculement de la fiscalité du foncier commercial par des impôts sur la valeur ajoutée, et propose dans le même temps, « à plus court terme et de manière transitoire, l’allégement de la fiscalité des zones en difficultés ». La baisse des recettes fiscales qui découlerait de l’abolition de la Tascom serait alors remplacée par une hausse de la TVA, calculée sur le chiffre d’affaires et qui du coup concernerait l’ensemble des acteurs du commerce, e-commerçants compris donc. Pas sûr pour autant qu’une telle mesure convainc les petits commerçants, qui ne sont pas redevables de la Tascom…

Faciliter le commerce

La revitalisation des centres-villes passe aussi par une amélioration de son offre. C’est en ce sens que le rapport d’André Marcon soutient plusieurs mesures visant à développer plus efficacement le tissu commercial. Le passage en CDAC pour les grands magasins souhaitant s’installer en centre-ville ne doit plus être une obligation systématique, préconise le rapport, ce qui aurait pour conséquence d’accélérer mais surtout de simplifier les installations. Dans le même esprit, les membres de la commission Marcon revendiquent un assouplissement des règles actuelles sur la reprise des commerces, en s’appuyant par exemple sur des dispositifs d’aide fiscale ou encore l’étalement des droits de mutation. Une attention particulière est également portée aux investisseurs privés. Le rapport recommande de les inciter davantage à la création de micro-foncières locales, ce qui permettrait de mieux exploiter et valoriser le patrimoine immobilier des commerces. En clair, une coopération plus efficace entre les différents acteurs de la ville, publics comme privés, rendue notamment possible par le recrutement systématique de managers de centres-villes.

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Au total, un rapport de plus de 100 pages et un ensemble de mesures qui semblent globalement aller dans le bon sens pour appuyer la revitalisation des centres-villes. Reste désormais à mettre en oeuvre ces recommandations, en espérant que cette mise en application prendra davantage en considération les intérêts des commerçants indépendants. Affaire à suivre donc.

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