Pourquoi les soldes ne séduisent plus les commerçants ?
Trop tôt, trop longs, trop de promotions à l’année… les soldes, autrefois événement majeur de la vie commerciale, ne séduisent plus. Et ce n’est pas en réduisant leur durée à 4 semaines, contre 6 actuellement, que la tendance s’inversera. Explications.
La dernière étude de la CCI Paris et d’Ile-de-France ne sera pas pour surprendre les commerçants. Même si les résultats de celle-ci concernent la seule région parisienne, certaines conclusions apparaissent bien valables pour l’ensemble du territoire français. L’enquête menée en partenariat avec le CROCIS souligne notamment le fait que “pour 56 % des commerçants, les soldes ne présentent plus d’intérêt par rapport aux ventes privées ou promotions ». Et 67% des 300 commerçants parisiens interrogés ne considèrent plus les soldes comme un véritable événement, un chiffre en hausse de 5 points par rapport à l’année dernière. Une déception qui trouve son origine dans la baisse du trafic, mais surtout du chiffre d’affaires en magasin. Pour 59% des commerçants parisiens, il est inférieur à celui observé l’année précédente, et 24% affirment même qu’ils n’ont constaté aucun gain supplémentaire de chiffre d’affaires durant cette période (en comparaison à un mois normal). Au niveau national, la fédération Procos avance une baisse de 3,5% des ventes du commerce spécialisé au mois de janvier, l’équipement de la personne apparaissant particulièrement touché (-7,7%), alors que l’équipement de la maison affiche de son côté de biens meilleurs résultats (+4,5%). Des résultats comparables à ceux observés par l’Institut Français de la Mode, qui pointe une diminution du chiffre d’affaires de 5% pour les distributeurs du secteur de la mode.
Trop de promotions à l’année
Si la météo, la conjoncture économique ou encore la concurrence du e-commerce sont régulièrement pointés du doigt pour expliquer la baisse de la fréquentation durant les soldes, les commerçants concentrent surtout leurs critiques contre la multiplication des promotions tout au long de l’année. Valérie Douek, gérante de la boutique Sac à Sac à Paris, souhaiterait ainsi “une limitation drastique des périodes de promotions tout au long de l’année, afin de redonner aux soldes leurs aspects exceptionnels, aussi bien pour les consommateurs que pour nous, commerçants ». « Jours en or, jours de folie, semaine de la maille, promo d’automne, crazy week, il y a toujours quelque chose », se désole un autre commerçant, interrogé par la CCI de Paris Ile-de-France.
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Des promotions hors soldes qui sont surtout l’apanage des grandes chaînes. D’après les résultats de l’enquête de la CCI francilienne, 85% des enseignes et 86% des franchisés ont ainsi proposé des ventes et autres promotions avant les soldes, contre 51% des indépendants. A cela s’ajoute le succès du Black Friday ou plutôt de la Black Week, puisque l’événement dure désormais quatre jours, qui séduit de plus en plus consommateurs et commerçants. “Les grands groupes ont besoin des promotions pour vivre, la remise est devenu leur business model, dénonce Francis Palombi, Président de la Confédération des Commerçants de France. Si bien que les soldes ont perdu leur raison d’être, qui est à la base de permettre aux commerçants d’écouler leurs invendus. Aujourd’hui c’est devenu une opération commerciale comme une autre, d’où la perte d’intérêt chez le consommateur. »
Débat sur les dates de soldes
Si les soldes ont manifestement perdu de leur aura, les commerçants rejettent également la faute sur la fixation de leurs dates. Avec là encore, une divergence de point de vue entre indépendants et grandes chaînes. D’après les résultats de l’enquête de la CCI de Paris Ile-de-France, 48% des commerçants auraient préférés un démarrage des soldes le 2 janvier au lieu du 10 janvier. Un chiffre assez élevé et à mettre en comparaison avec les résultats de la consultation conduite au mois de novembre 2017 par le magazine spécialisé Boutique2Mode. Dans cette enquête, menée sur le plan national auprès de 1956 professionnels du secteur de la mode, majoritairement des indépendants multimarques, 40% des répondants se positionnent à l’inverse pour un report des soldes au 25 janvier, et 29% souhaitent même les reporter au mois de février !
“Il y a un décalage entre les saisons, si bien que l’on se retrouve à solder nos collections où moment même où nous devrions vendre au prix normal, explique Pascal Seyve, gérant du magasin Du Pareil Au Même, à Albertville. Si l’on veut retrouver des marges qui nous font vivre, il faut reporter les dates de soldes d’hiver comme d’été. » Une revendication défendue aujourd’hui seulement par les fédérations représentant le commerce indépendant (voir tableau ci-dessus). En attendant que le vent tourne ? A l’heure où les pouvoirs publics semblent prendre conscience de la nécessité de revenir à des niveaux de marges plus élevés, à l’image des derniers Etats Généraux de l’Alimentation qui ont acté la limitation des promotions et le relèvement du seuil de vente à perte sur les produits alimentaires, l’espoir peut sembler permis. D’autant plus que les commerçants impactés par la guerre des prix dans le commerce, et notamment au sein du secteur de la mode, sont en grande partie les mêmes qui font vivre nos coeurs de ville. Décaler les dates de soldes, définir quatre périodes contre deux actuellement ou même tout simplement abolir des dates légales comme c’est le cas en Allemagne… les options sont nombreuses pour opérer une réforme en profondeur des soldes. Reste à savoir maintenant si une telle réforme sera engagée ! A suivre…
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