Impôt à la source : Les chefs d’entreprises mis à l’amende
Le prélèvement de l’impôt à la source, à partir du 1er janvier 2019, obligera les chefs d’entreprises à collecter l’impôt. Une réforme qui n’est pas vraiment bien accueillie par les organisations patronales.
Le prélèvement de l’impôt à la source, voté sous le quinquennat de François Hollande, a tout d’un cadeau empoisonné fait à son successeur. Car si le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, se félicite aujourd’hui de cette « mesure très attendue par les citoyens », les organisations patronales fustigent de leur côté la réforme, perçue avant tout comme une charge administrative complexe, qui engendrerait un surcoût financier conséquent pour les entreprises.
L’impôt à la source, comment ça marche ?
Le prélèvement de l’impôt des revenus à la source prévoit de collecter l’impôt des citoyens en temps réel, c’est-à-dire lors du versement des revenus imposables. Ce nouveau modèle de collecte a été instauré afin de supprimer le décalage d’un an qui existe actuellement entre la perception des revenus et leur imposition. “Pour celles et ceux qui connaissent des changements de situation financière et familiale, l’impôt s’adaptera plus vite. Il est en oeuvre dans la plupart des grands pays développés », justifie aujourd’hui le gouvernement. Avec le nouveau système qui entrera en vigueur à partir du 1er janvier 2019, l’employeur aura désormais trois nouvelles obligations à sa charge :
- Appliquer le taux d’imposition sur le salaire de l’employé (le taux sera transmis par la Direction Générale des Finances Publiques).
- Effectuer la retenue correspondante sur le salaire net du mois.
- Reverser l’impôt collecté le mois suivant, ou le trimestre suivant pour les dirigeants de TPE, à l’administration fiscale.
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Un surcoût financier pour les entreprises
Si le principe de lisser le paiement de l’impôt sur l’année n’est en soi par remis en cause par les organisations patronales, ces dernières fustigent davantage les modalités de la mise en application. « Les chefs d’entreprises artisanales, commerciales ou libérales n’ont ni DRH, ni fiscaliste, ni service juridique à leur disposition. Comment sont-ils supposés faire face à cette surcharge administrative ? », s’interroge à juste titre Alain Griset, Président de l’U2P (Union des Entreprises de proximité). Pour faire entendre cette crainte des dirigeants de petites entreprises face à cette nouvelle tâche qui va leur incomber, l’U2P a ainsi lancé une campagne avec pour slogan : “Gérer les feuilles d’impôts, c’est pas notre boulot ! ».
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Le coût financier pour la mise en oeuvre de la réforme est en effet conséquent. L’Inspection générale des finances l’estime ainsi entre 300 et 400 millions d’euros. Et comme bien souvent, ce sont surtout les TPE-PME qui vont payer le prix le plus élevé, calculé entre 26 et 50 euros en moyenne par salarié. Un chiffre largement sous-évalué selon l’U2P, qui considère que le prélèvement de l’impôt à la source coûtera environ 125 € par salarié pour la mise en place la première année, et autant pour la gestion au long cours chaque année. Pour justifier un tel écart, l’U2P s’appuie sur l’étude du Conseil des Prélèvements Obligatoires datant de 2012, qui avait ainsi démontré que les coûts liés à la gestion récurrente du système pour les entreprises pouvaient aller jusqu’à 200 € par salarié, citant pour exemple l’Australie ou encore les Pays-Bas. “Cette réforme représentera 1h30 de travail supplémentaire par salarié et par mois pour les chefs d’entreprise, soit 6 millions d’heures gâchées chaque mois, ou encore 1 semaine de travail non rémunéré en plus par an », dénonce par ailleurs l’U2P.
Un risque juridique pour les employeurs
Le prélèvement de l’impôt à la source inquiète aussi car il soumet les employeurs à de nouveaux risques juridiques. L’amende par déclaration non réalisée est ainsi fixé à 250 euros. Une sanction trop importante, fustige l’U2P, d’autant qu’elle “s’ajoute aux risques, déjà nombreux, qui pèsent sur la tête des chefs d’entreprise ». Autre conséquence, l’employeur connaîtra désormais le taux d’imposition auquel est soumis son salarié, et par conséquent celui appliqué à son foyer. Une information qui pourrait faire l’objet d’une certaine crispation dans les relations entre les salariés et les chefs d’entreprises. Sans compter qu’en cas de non respect du secret fiscal, ces derniers s’exposent à une amende de 15 000 euros ! Face à l’ensemble de ces risques, les organisations patronales appellent aujourd’hui le gouvernement à revoir sa copie, et réclament notamment l’obtention de compensations financières ainsi qu’une meilleure protection juridique. Reste à savoir si cet appel sera suivi d’effet.
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