Black Friday 2025 : entre résignation et résistance, les commerçants indépendants s’adaptent
Un peu plus d’un commerçant indépendant sur deux prévoit de participer au Black Friday cette année. Mais derrière cette participation en hausse, beaucoup évoquent une décision contrainte, tandis que d’autres assument pleinement leur refus ou imaginent des alternatives. Reportage.

Les commerçants indépendants français doivent-ils participer au Black Friday ? Ou à l’inverse le boycotter ? Le sujet revient chaque année et continue d’alimenter les discussions chez les professionnels. Certains estiment ne pas avoir réellement le choix que de proposer des remises pour l’occasion, suivant la tendance des grandes enseignes et géants d’internet, tandis que d’autres préfèrent rester en marge de l’événement. C’est en tout cas ce qui ressort de la dernière consultation menée par le magazine professionnel Boutique2Mode (notre média partenaire), auprès de 1 633 détaillants indépendants de la mode, tous secteurs confondus (prêt-à-porter, chaussure, lingerie, accessoires, maroquinerie…)
« Aujourd’hui, j’ai l’impression que l’on on n’a plus vraiment d’alternative. Même les clientes qui ont du pouvoir d’achat font beaucoup plus attention aux prix et guettent les bonnes affaires. Dans ma situation, il m’est impossible d’ignorer le Black Friday alors que toutes les enseignes autour de mon magasin martèlent déjà leur communication depuis plus de deux semaines. Mais, pour être honnête, j’aurais préféré ne pas avoir à proposer des remises à cette période de l’année », témoigne ainsi Nadia, à la tête d’une boutique de prêt-à-porter et accessoires féminin, à Montpellier.
Un peu plus de 50 % des détaillants indépendants comptent proposer des remises à l’occasion du Black Friday
Les résultats de la consultation menée par Boutique2Mode indiquent ainsi qu’un peu plus de la moitié des commerçants envisagent d’appliquer des remises cette année. Le chiffre progresse de dix points par rapport à 2024, même si une majorité de professionnels souhaitent limiter la portée de l’opération. Sarah, gérante d’une boutique de prêt-à-porter féminin à Angers, détaille son approche : « par respect pour ma clientèle, je ne proposerais que des remises sur les collections les plus anciennes. Je me dis que c’est l’occasion de déstocker le maximum de pièces que je n’avais pas réussi à vendre lors de la précédente période de soldes ».
À l’inverse, près d’un détaillant sur deux maintient toujours son choix de ne pas participer au Black Friday. Certains refusent ce qu’ils considèrent comme une incohérence tarifaire, d’autres souhaitent préserver leur image ou leurs marges à l’approche des fêtes. C’est notamment le cas de Tina, gérante d’une boutique de lingerie à Dunkerque : « je ne participe pas, parce que pour moi cette opération n’a aucun sens. Comment justifier à une cliente qui est passée la veille, ou qui viendra la semaine d’après, qu’elle paie un prix différent ? Et comment ne pas dévaloriser mes produits en les bradant juste avant les fêtes, qui sont le seul moment de l’hiver où l’on arrive à faire un chiffre correct avec une marge convenable ? Je préfère expliquer à ma clientèle que ce type de pratique ne correspond ni à mes valeurs, ni à la qualité des articles que je propose ».
Et ce malgré les demandes de certains clients. Près de 20 % des commerçants qui ont répondu au sondage affirment ainsi recevoir « souvent » des demandes de remise en perspective du Black Friday. Et 30 % « parfois ». « Samedi dernier, une cliente intéressée par un sac à main m’a demandé si elle pouvait le mettre de côté en attendant le Black Friday. Je lui ai expliqué que je ne ferais aucune remise sur le week-end du 28 novembre. Finalement, elle l’a acheté tout de suite, de peur qu’il ne soit vendu entre temps », raconte ainsi Élodie, qui tient une boutique de prêt-à-porter et accessoires, à Besançon.
Les commerçants français peu enthousiastes dans l’ensemble
Qu’ils participent ou non, l’enthousiasme général reste modéré. Seulement 8 % des professionnels interrogés considèrent ainsi que le Black Friday représente une « opération commerciale intéressante ». Quand 30 % reconnaissent que la rentabilité économique de cet évènement reste « limitée ». A l’inverse, une majorité de commerçants interrogés estiment que le Black Friday conduit à une « perte de repères en termes de prix », ou encore « une perte de marge ou in fine une baisse des ventes ».
Hervé, commerçant en mode éthique à Bayonne, résume une position largement partagée : « Pour moi, le Black Friday n’a aucun sens quand on pratique déjà des prix justes. D’autant que je peux proposer toutes les remises que je veux, si un client ne regarde que le prix, je ne pourrai jamais rivaliser avec les géants de la fast fashion. On le voit bien aujourd’hui avec Shein, même les grandes enseignes ne peuvent pas lutter ! Dans ma boutique, j’ai fait le choix de défendre la valeur des produits, leur style, leur qualité et leur fabrication plus responsable. Je milite au quotidien pour une consommation raisonnée, qui privilégie la durabilité… Autant dire qu’avec le Black Friday, on est complètement à contre-courant de cela ».
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Le Black Friday autrement
Dans ce contexte, d’autres commerçants veulent aussi profiter du Black Friday pour communiquer différemment. Julien, gérant d’un concept store, a opté pour un format événementiel : « comme c’est un week-end où il y aura forcément plus de trafic en centre-ville, je me suis dit que c’était le moment idéal pour organiser une soirée en boutique, ce samedi. Un ami s’occupe de l’ambiance musicale, et pour le buffet j’ai fait appel au traiteur du quartier qui, comme on se connaît bien, m’a fait un bon prix, raconte-t-il. On a déjà plus de 30 réservations. Ce sera l’occasion de revoir des clientes et des clients qui ne sont pas passés depuis un moment, de partager un moment convivial… et peut-être, avec un peu de chance, de faire aussi quelques ventes ! »
À Rennes, Laura, détaillante en chaussures pour femme, préfère remercier sa clientèle fidèle : « j’avais vraiment envie de remercier celles qui commandent régulièrement chez moi, que ce soit en boutique ou sur le site. J’ai donc décidé d’envoyer à mes meilleures clientes, environ une soixantaine, des bons d’achat avec des montants adaptés à ce qu’elles ont dépensé. Côté communication, comme l’offre était ciblée, j’ai commencé par un emailing, puis j’ai relancé avec une campagne SMS quelques jours plus tard. Ça demande du temps et un petit budget, bien sûr, mais en contrepartie je ne fais aucune promotion en magasin. Pour celles qui viendront avec leur bon, c’est un signal fort, elles savent qu’elles comptent vraiment ».
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Une manière de montrer que le Black Friday peut aussi devenir un levier pour les indépendants, en affirmant leur différence face aux stratégies des grandes enseignes et des géants du web. Autant de pratiques inspirantes, à l’heure où les clients recherchent davantage de proximité, de lien humain et de confiance avec leur commerçant.
Découvrez les résultats détaillés du sondage réalisé par Boutique2Mode, en cliquant ici.
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